Les mathématiques méritent considération.

Les interventions de Monsieur le Ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie au sujet des mathématiques et de leur enseignement, dans la presse (France-Soir, 23 novembre 1999: "les mathématiques sont en train de se dévaluer, de façon quasi inéluctable. Désormais, il y a des machines pour faire les calculs. Idem pour les constructions de courbes..") et devant la National Academy of Sciences (1er décembre 1999, voir la lettre de l'Académie et du CADAS no 31, 2000), nous amènent à quelques remarques.

L'imprimerie, la machine à écrire, les logiciels de traitement de texte ou correcteurs d'orthographe ont-ils dévalué la littérature ? Des esprits pénétrants, il y a plus de 50 ans, avaient comparé le rôle de l'informatique naissante à celui de l'imprimerie pour valoriser et pour faire émerger des concepts mathématiques. Fonctions, équations, solutions exactes ou approchées, ces notions ont toujours été tributaires de moyens d'écriture et de calcul. Elles n'en sont pas pour autant dévalorisées. Aujourd'hui l'informatique, et son usage universel dans la modélisation, sont indissolublement liés aux mathématiques, qui conditionnent leurs progrès.

Les concepts mathématiques, par leur généralité, leur simplicité et leur puissance, constituent un apport précieux, et parfois une base essentielle, à toutes les sciences. Sciences, industries et services font appel aux mathématiques à des degrés divers.

D'ailleurs, les mathématiques émergent de toutes les sciences et les alimentent de façon parfois imprévue. Ce mouvement, constant au cours de l'histoire, s'accélère aujourd'hui.

Développant à la fois imagination et rigueur, l'enseignement mathématique a un rôle important à jouer dans la culture de notre temps.

De nombreux pays sont conduits à encourager le développement des mathématiques. Il serait dommage qu'une vision caricaturale de cette science conduise à faire de notre pays une exception notable.

Il est urgent que le Ministre renonce à ses appréciations déconcertantes et infondées sur la dévaluation des mathématiques.


Premiers signataires (par section), à la date du 9 mars 2000

Aubin, Berger, Bismut, Bony, Brézis, Bricogne, Cartan, G.Choquet, Connes, Demailly, Douady, Duflo, J.-M.Fontaine, Ghys, Herman, Kahane, Koszul, Lebeau, Lelong, Malgrange, Malliavin, Malinvaud, P.A.Meyer, Pisier, Raynaud, L.Schwartz, Serre, Soulé, Talagrand, Tits, Vergne, Yoccoz, Yor; Abragam, Balian, Blanc-Lapierre, Cohen-Tannoudji, Damour, Davier, Fayet, Friedel, Goldman, Hurault, Iliopoulos, M.Jacob, Jacquinot, Laval, Picinbono, Robieux, Slodzian, Solomon, Stora, Toulouse; Arsac, Bui, Y. Choquet-Bruhat, Faugeras, Flajolet, Germain, Girard, Nivat, Y.Meyer; Kovalevsky, Pecker, Schatzman, Buser, Joliot; D.Schwartz, Tubiana.