Inventiones math. 48, 293-302 (1978) Inventiones mathematicae © by Springer-Verlag 1978 Un exemple de fibre holomorphe non de Stein a fibre C2 ayant pour base le disque ou le plan Jean-Pierre Demailly Ecole Normale Supérieure, 45, rue d'Ulm, F-75230 Paris Cedex 05, France, et L.A. au C.N.R.S. n°213. Université de Paris VI, Département de Mathématique Introduction Dans le présent travail, nous construisons un fibre holomorphe non de Stein au dessus d'un ouvert connexe non vide quelconque de C, ayant pour fibre C2, et dont les automorphismes de transition sont de type exponentiel. La première réponse négative au problème posé en 1953 par J.-P. Serre [4] de savoir si un espace fibre à base et à fibre de Stein est lui-même de Stein, a été donnée récemment par H. Skoda dans [5] et [6], où le lecteur trouvera une bibliographie complète sur le sujet. Dans le contre-exemple de H. Skoda, la base est un ouvert multiplement connexe, et les automorphismes de transition sont localement constants et à croissance exponentielle. En réponse à une question soulevée par H. Skoda, nous avons donné dans [1] un contre-exemple où la base est une couronne, où les automorphismes de transition sont polynomiaux, et nous avons montré qu'alors le groupe de Dolbeault H0'1 de l'espace total du fibre est muni de la topologie grossière. L'outil principal pour la construction de tels fibres est une inégalité due à P. Lelong [3], qui permet de contrôler précisément la croissance des fonctions plurisousharmoniques sur les fibres. On prouve ici, par un calcul d'enveloppe pseudo-convexe utilisant le principe du disque, que les fonctions plurisousharmoniques continues sont constantes sur certaines fibres particulières, achevant ainsi la construction du fibre. On montre de plus (cf. la remarque 3) que les fonctions holomorphes du fibre sont triviales, c'est-à-dire constantes sur toutes les fibres. 1. L'inégalité de P. Lelong Nous nous contenterons d'énoncer le résultat, et renvoyons le lecteur à [1], § 1, [3] p. 193 th. 6.5.2 et p. 194, th. 6.5.4, ou [6], §9, pour un exposé complet. Soient Q une variété analytique connexe de dimension p, V une fonction plurisousharmonique sur Q x C", w un ouvert relativement compact de Q. 0020-9910/78/0048/0293/$02.00 294 J.-P. Demailly On mesure la croissance de V sur les fibres en posant M(V,w,r)= sup V(x,z), xed>, |z| ^r où rg:0 et \z\= sup \zL D'après P. Lelong [3], M(V,a>, r) est une fonction convexe croissante de Logr, strictement croissante pour r assez grand si V est non constante sur au moins une fibre au dessus de eu. Lemme. Si Q est un ouvert de C, col cz(h>2czco3 trois polydisques concentriques de rayons p11,½2 deux ouverts relativement compacts de Q. Il existe une constante a>\ ne dépendant que de co1, co2, Q, et une constante R}0 dépendant en outre de V telles que M{V,o)2,r)^M(V,½l,ra) pour r^R. (3) 2. Construction du fibre X La base du fibre sera un ouvert connexe non vide Q de C. Nous nous intéresserons surtout au cas où Q est un disque ou le plan, car si Q n'est pas simplement connexe, on peut donner une construction plus simple avec des automorphismes polynomiaux localement constants (cf. [1] §2,3). Soient al,a2,a3,a4,,a5,a6, six points distincts de Q, et posons Q0 = Q - {ar,a2,a3,a4,a5,a6], Qk = Q0u{ak}, l£fc^6. On définit un fibre X à fibre C2 au dessus de Q par les cartes locales trivialisantes Tk'-X\c)k ->QtxC2 au dessus de Qk, Org/cîSô, avec les automorphismes de transition xkl = xk o if1 : Q0 x C2 -* Q0 x C2, (si k + l, QknQl = Q0) définis par: Un exemple de fibre holomorphe non de Stein 295 Tki = Tok °Toi pour tous k,l=l, ...,6, *()*(*, z) = (*, H XeQQ, Z = (Zl,Z2)> W={WUW2), où w1=z1, w2 = z2exp(z1/_1 (p(x)), si fc = l,2,3, w1=z1 exp(z2/~4(p(.x)), w2 = z2, si fc = 4,5,6, avec Z,,Z2,Wi,W2eC, ;=-- + !--, et M g* g 6 ?* uk' [lk, k = \, ...,6, étant un nombre complexe non nul. Remarque 1. Pour définir X, la carte Q0 x C2 est en principe superflue, mais sa considération introduit des automorphismes x0k plus simples que les automor-phismes xkI,k,l + 0. 3. Restrictions sur la croissance d'une fonction plurisousharmonique non constante sur une fibre {ak} x C2 Soit V une fonction plurisousharmonique continue sur X, représentée dans la carte Qk x C2 par la fonction du même type Vk = Vo x~l. On a donc sur Q0 x C2 K,oTk,= F" fc,/ = 0,...,6. L'idée est la suivante: la croissance de Vk=V0°x0k au dessus d'un ouvert io0 relativement compact dans Q0 est comparable à la croissance de Vk au dessus d'un petit disque voisin de ak (inégalité de P. Lelong). Ce petit disque peut être choisi de sorte que cp y prenne des valeurs très petites, et que x0k y soit proche de l'application identique. Revenant à l'ouvert initial w0, on voit que le croissance de Vk va être contrôlée par celle de V0, comme l'exprime de façon précise la proposition ci-dessous. Proposition. Soient co0 un ouvert relativement compact dans Q0, V une fonction plurisousharmonique continue sur X. Si pour un certain k - 1,..., ou 6, Vk=Voxkl est non constante sur la fibre {ak} x C2, il existe une constante R > 1 telle que pour r^R on ait: M(V0 o x0k, co0, r) ^ M(V0, m0, exp(Log4 r)). Démonstration. Désignons par ½{a,p) le disque ouvert de centre aeQ, et de rayon p>0. 296 J.-P. Demailly Soit b un point de Q0 tel que --- soit réel négatif, et assez voisin de ak b-ak pour que le disque m(b,4p), p = \b - ak\, soit contenu et relativement compact dans Qk. Nous poserons: bt = ak + t{b - ak), pt = \pt, avec 02 = u>(bt,2p), co3 = o>(fct,3/o), contenus dans co(b,4p), on a M(Vk, co(bt, 2p), r) è M(Vk, ½(b" Pt\ r"') + pt[M(Vk,m(bv3p),l)-M{Vk,½(b"pt),r°<)-], avec = Log3p/p, =Log6/f ^ \_ G' Log3p/2p Log3/2= 2 8t' 1 d'où pour r^l, compte tenu de ce que l et ½(bt,3p)^a>(b,4p), M(Vk,½(bt,2p),r)^M(Vk,½(b"pt),rC2Lo^) + ptlM(Vk,½(b>4p),l)-M(Vk,co(b"pt),r^. (6) Vk étant non constante par hypothèse sur la fibre {ak} xC2, sup Vk(ak,z) tend vers co quand r tend vers oo. |z'-r Grâce à la continuité de Vk, il existe pour tout nombre A une constante rA et un voisinage UA de ak tels que sup Vk(x,z)^A pour tout xeUA. (7) Prenons A = M(Vk,½(b,4p),l). Pour 0(bt,pt)c(o(b,Ap)C2/C5 et r^R3 assez grand: ^C6LogrLogLogr (12) C Lo ! Avec le choix (10) de t, l'image par x0k du polydisque \z\^r 2 °ef est incluse C Lo - dans le polydisque |w|^er 2 °8«. On a donc d'après (9) et (12) M(Fk,co0,r)^M(K0oTofe,ffl(fc(,ft),rC2Log7), M{Vk,½0,r)^M{V0Mbt,Pt),erC^°*T), M(Vk,a>0,r)SM(V0,co(bnp,),rc^Oil-ogr) (13) 298 J.-P. Demailly en prenant 1 3 C6LogrLogLogrg-S-C6Logr-LogLogr r^^4 = sup(R2,R3). (14) Il nous reste à revenir du disque a>(fr"/y,) à l'ouvert ½0. Considérons à cet effet une suite de disques concentriques co"ca>"<=(u5 de centre btn, de rayons ipt",yt", \pt"(d. (4)). La condition lolaoff1 équivaut à t"^f tn_x, tn^jt"_l par un calcul facile. Nous prendrons f" = f t"_1 =(§)"- Pour n = n(r) déterminé de façon unique, on a 1 3 C6Logr-LogLogrg - <-C6Logr-LogLogr, '-n *? et d'après (13), (14) il vient pour r^R4 M(Kfc,oj0,r)^M(K0,co"2(r),rC7LogLo80 (15) (Noter que of2 = o)(btn, ptJ.) D'après le lemme, formules (1) et (2), on a pour r^ 1 et pour tout entier n M(F0,ffl"2,r)lM(K0,«);/) + /1[M(F0,ffl"3,l)-M(F0,0);,r)], (16) avec Log3 Log2 ° Log3/2 ' M_Log3' Or M(V0,½"3,\ ) = M(Vko^k\(o"3,l) SM(Vk,½"3,Cs) èM(Vk,a>(b,3p),C8), avec xeco(b, 3 sup |tô/(x,z)|, x-ak et compte tenu de l'inclusion co3cco(b,3p) (cf. (11) ainsi que la définition de x0k au paragraphe 2). Choisissons maintenant pour A = M(Vk,co(b,3p), C8) une constante r^ et un voisinage 1/4 tels que la condition (7) soit satisfaite. On a pour M(K0,^,r) = M(KkoTofc1,a;ï,r)^M(Fk,coï,C9Logr), (18) où C9 est une constante positive assez petite. n En effet pour xem", on a à la fois xeco(b,4p) et Re ---^0, ce qui entraîne \(p{x)\^ C4 grâce à (11). Dans ces conditions, si |z|^ C9Logr, l'image w = x0k(x,z) Un exemple de fibre holomorphe non de Stein 299 vérifie |w|^sup(C9Logr, C9Logrexp(C4 C9Logr)), d'où \w\=r si Cg est assez petit. Si « est plus grand qu'un certain entier n0, m" rencontre UA, et d'après (7) on a M(Vk,oJÏ,C9Logr)^Apom C9Logr^rA. (19) En prenant n^n0, r^exp(rA/C9), (16), (17), (18), (19) donnent M(V0, co"2,r)£M(V0, afu r°) èM(V0, off^r"), puisque m" ci of2 '. De proche en proche on obtient M(V0, oj"2, r)£M(V0, ½"2°, r""""0), (20) avec n^n0, r^exp (~-\. Dans l'ouvert connexe Q0, (3) implique pour r^Rs M(V0, of2°, r) ^M(V0, ½0, rc'°). (21) Enfin (15), (20), (21) fournissent M(Vk,oj0,r)SM(V0,w0,rc<'1"a""'^"oLoeLa»r\ (22) pour r^R6 = sup(R4_,R5, exp(rA/C9)). Mais Log3 /3\a a = -= -) avec a = 2,458... <3, Log3/2 \2/ d'où a"{r) = -^S (~) (Logr-LogLogr)" d'après (14), et C7 C10ff"(,')~'l0LogLogr;i(Logr)3 pour r^R-, assez grand. L'inégalité de la proposition résulte de (22) en posant R = sup(R6,R1). 4. Calcul d'enveloppe pseudo-convexe Théorème. Le fibre X construit au paragraphe 2 au moyen des 7 cartes Qk x C2 et des automorphismes de transition xkl a la propriété suivante: il existe une fibre 300 J.-P. Deraailly Tki(iak} x C2), k = l,...,6 où toutes les fonctions plurisousharmoniques continues sur X sont constantes; en particulier X n'est pas de Stein, et nest pas isomorphe au fibre trivial Q x C2. Démonstration. Supposons que pour tout fc = l,...,6 il existe une fonction V[k) plurisousharmonique et continue sur X non constante sur la fibre ^'({aj x C2). 6 Posons V= Y, K V&) ou les K sont des scalaires réels >0. Lorsque les ).k sont k= 1 bien choisis, V est non constante sur les six fibres {ak} x C2, car il y a au plus un hyperplan de (A1,...,Â6)eR6 pour lesquels V soit constante sur l'une des six fibres. On peut alors appliquer la proposition à chacune des fibres {ak} x C2, fc = l,...,6: M(F0°Tot,cw0,r)^M(F0,0,exp(Log4r)) pour r^R, ce qui s'écrit encore sup L0(x,z)£M(L0,(u0,exp(Log4r)), (23) avec Kx,r= U To*(MxDr). 1 g/c£6 Comme V0 est plurisousharmonique en z, on a sup V0(x,z)= sup^^L0(x, z), (24) XEûJo.zeKXir XECàQ,zeKXlr où, par définition même de celle-ci, Kx r est l'enveloppe pseudo-convexe de Kx r. Kxr coïncide d'ailleurs avec l'enveloppe polynomialement convexe de Kxr d'après Hormander [2] p. 91, th. 4.3.4. Il nous reste à évaluer Kx r. La forme de x0k montre que pour k= 1,2,3, t0k{{x} x Dr) contient l'ensemble \(wl,w2)eC2;\wl\Sr,\w2\èrexp\^\(p(x)\Y et lArgwJ^1 (p(x)\^ donc 1J -i0k({x}xDr) contient le polydisque |w,|^r, |w2|^r exp l-|ç>(x)|); de même \J x0k({x} xCr) contient le polydisque Iwjrgrexp l-|(j!»(x)|),|w k=4,5,6 \2 / Le principe du disque (cf. par exemple Hormander [2], p. 34, th. 2.4.3.) montre que Kx r contient le polydisque de rayon moyenne géométrique 2\^r. (Jkotol)- (25) Mais pour xecô0, on a \(p(x)\^C>0, et d'après (23), (24), (25), la majoration M\V0,(o0,r exp I-- 11^M(V0,m0, exp(Log4r)) est vérifiée pour r^R. rexp Un exemple de fibre holomorphe non de Stein 301 Comme V est non constante sur au moins une fibre de X, M(V0,½0,r) est strictement croissante pour r assez grand; on en conclut rexp (-J-) ^exp(Log4r) pour tout r assez grand, ce qui est contradictoire. 5. Compléments et bibliographie Remarque 2. La démonstration ci-dessus ne permet pas de préciser la fibre «exceptionnelle» T^l({ak} xC2) du théorème. Supposons néanmoins qu'il existe un groupe d'automorphismes de X permutant transitivement les fibres ^"'({fljxC2), fc = l,...,6: toutes les fonctions plurisousharmoniques continues sur X sont alors constantes sur chacune des six fibres. Un exemple de cette situation est obtenu avec les données suivantes: Q est un disque de centre 0 et de rayon p, 0