Published in Arkiv för Matematik Vol.\ 23 (1985) No 1 Propagation des singularités des courants positifs fermés Jean-Pierre Demailly Abstract Given a closed positive current T on a bounded Runge open subset $\Omega$ of $\bC^n$, we study sufficient conditions for the existence of a global extension of $T$ to $\bC^n$. When $T$ has a sufficiently low density, we show that the extension is possible and that there is no propagation of singularities, i.e.\ $T$ may be extended by a closed positive $C^\infty$-form outside $\Omega$. Conversely, using recent results of H.~Skoda and H.~El~Mir, we give examples of non extendable currents showing that the above sufficient conditions are optimal in bidegree~$(1,1)$. 0. Introduction Dans ce travail, nous nous intéressons au problème de l'existence de prolongements globaux d'un courant positif fermé défini sur un ouvert relativement compact de $\bC^n$. Soit T un courant positif fermé de bidimension (p,p) (i.e. de bidegré (q, q) avec p + q=n) sur un ouvert QcC". D'après un théorème de Y- T SIU [5], les ensembles Ec-{zÇ_Q\ v(T,z)^c>0} associés aux nombres de Lelong v(T; z) sont des sous-ensembles analytiques de Q. Les ensembles Ec propagent donc les « singularités » de T, et apparaissent comme une obstruction au prolongement global du courant T (du moins lorsque les Ec ne s'étendent pas eux-mêmes à C" tout entier). Nous cherchons ici des conditions suffisantes simples, exprimant que la densité de T n'est pas trop grande, pour que le prolongement soit possible. On mesure pour cela la densité des masses de T en posant fi = -j W\A%> g - mesure trace de T - -r Bp a T, a(z, r) = a(B{z, r)), 36 Jean-Pierre Demailly avec B(z,r)={ÇeCn; \Ç-z\0 et tout compact K(zQe la condition suivante: (1) suPj-2,n-i dr < +°o si T est de bidegré (1, 1); (2) fE sup '- dr < + °o en bidegré (q, q), 1 < q < n. J ° ztK r Alors, pour tous réels ô>n>0, il existe un courant 0^0 fermé sur C" qui coïncide avec T sur Qà et de classe C°° en dehors de Q,n. Un résultat classique de P. LELONG [4] affirme que o(z, r)r~2P est fonction croissante de r lorsque T est de bidimension (p,p). On a donc toujours une estimation de la forme supz£K a(z, r) = 0(r2p), qui correspond typiquement au cas d'un courant d'intégration sur un sous-ensemble analytique de dimc=p. Un tel courant est bien sûr en général non prolongeable. Les conditions (1) et (2) imposent aux masses a(z, r) une croissance beaucoup plus restrictive, comme le montrent les implications évidentes supa(z, r) = <9(r2"-2+£) => (2) =>(1) => (Vz£Q)a(z, r) = o(r2"-2). zÇ.K Du théorème 1 découle l'existence de majorants globaux pour un courant défini sur un ouvert d'une variété de Stein et ayant une densité suffisamment faible. Corollaire 2. Soit T un courant positif fermé défini sur un ouvert Q d'une variété de Stein X. On suppose que T vérifie la condition (1) (resp. (2)) relativement à des ouverts de cartes Qj recouvrant Q. Alors pour tout ouvert cûckzQ il existe un courant 0^0 fermé sur X, de classe C°° au voisinage de X- Q et tel que T^0 sur co. Pour démontrer ces résultats dans le cas général (2), on construit à l'aide d'un noyau un potentiel F tel que iddV=T modulo C°°(QÔ). On vérifie alors que V peut se prolonger de sorte que la partie ^0 de iddV reste bornée. Dans le cas élémentaire où T est de bidegré (1, 1), la condition (1) signifie simplement que V est une fonction plurisousharmonique localement bornée. Le théorème 3 ci-dessous montre que la condition (1) est déjà optimale pour assurer la validité du corollaire 2. Théorème 3. Soient cociczQ deux boules concentriques dans C". Si p = n - l, on se donne une fonction mesurable y>0 définie sur ]0, 1] telle que y(r) (3) r^>-dr = + «/ o r Propagation des singularités des courants positifs fermés 37 et vérifiant l'hypothèse technique suivante: (4) ^A > 1 tel que sup^f^- < A. Alors il existe un courant T^O fermé de bidimension (p,p) sur Q, dont les masses a(z, r) admettent pour tout s>0, tout compact KczQE et tout r£]0, e[ l'estimation: (5) supcr(z, r) = Cy(r)r2n~2 si p - n-1, (6) sup (r(z, r) ^ Cr"**-1 si 0 < p < n - 1 z£K avec C = C(K,s)>0, et ayant de plus les propriétés ci-dessous: 7)T est de masse euclidienne infinie dans Q; 8)tout courant positif fermé 0 défini sur Q et tel que 0^T sur ½ vérifie 0^T sur Q (en particulier 0 ne se prolonge à aucun voisinage de Q). L'estimation (5) est valable en particulier avec les poids y(r) = ;r-, y(r) = 2 ' 2 3 ' * " Log- -LogLog - r r r pour lesquels les conditions (3) et (4) sont trivialement vérifiées. Le courant T du théorème 3 est obtenu en sommant les courants d'intégration sur les fibres d'un morphisme analytique G: Q-+Cn~p le long d'un ensemble plu-ripolaire complet contenu dans une sous-variété totalement réelle MczCn~p. On vérifie alors que le courant 0 doit nécessairement se propager de ½ à Q le long des fibres de G, ce qui donne (8). La démonstration utilise essentiellement trois ingrédients: les deux premiers sont des théorèmes de structure pour les courants positifs fermés, démontrés respectivement dans la Thèse d'EL MIR [3] et dans [1]; le troisième est l'existence de sous-variétés totalement réelles de dimension n - l dans C" qui soient des ensembles pluripolaires complets (DIEDERICH-FORNAESS [2]; voir aussi §5). Les conditions suffisante (2) et non suffisante (6) restent néanmoins éloignées l'une de l'autre. Ainsi l'hypothèse (2), qui est indépendante dep, devrait logiquement pouvoir être remplacée par une hypothèse d'autant plus faible que la dimension p du courant est plus petite. Compte tenu de (1), (5) et (6), il paraît raisonnable de conjecturer qu'une condition suffisante d'existence de prolongements globaux du courant T soit la condition de finitude a(z, r) zeK^° L'estimation (6) montre en tout cas que l'exposant n +p ne peut être choisi plus petit. 38 Jean-Pierre Demaill> 1. Prolongement des courants de bidegré (1, 1) Il s'agit de prouver la partie (1) du théorème 1. Soit Tun courant ^0 fermé de bidegré (1, 1) sur Q. D'après les hypothèses, T possède un potentiel V qui est une fonction plurisousharmonique (en abrégé p.s.h.) dans Q; on a donc iddV-T. La formule de Lelong-Jensen s'écrit pour tout point z£QÈ: fe0^rdr = C[W *> 8)-n*)] avec une constante C>0; ici A(V, z, s) désigne la moyenne de V sur la sphère de centre z et de rayon s. Il est bien connu que la fonction z*-*-l{V, z, s) est continue sur QE (ceci resuite de la formule de Stokes et du fait que dV est à coefficients L\0^. L'hypothèse (1) équivaut donc à dire que V est localement bornée sur Q. Chaque ouvert Qô est de Runge dans Q, donc aussi dans C. Par suite, il existe une fonction p.s.h. i//ÇC°°(C") telle que ij/^-l sur Qô, \j/^l sur \JQ1}. Puisque F est localement bornée, on peut choisir un entier iV>0 tel que (Nil/ =§ V sur Qô, [Nij/^V sur Qn-Qn. On pose alors: U=V sur Qô, ? U = sup (V, Nij/) sur Qn-Qô, U=NiJ/ sur C^- Dans ces conditions, il est clair que U est p.s.h. dans C" et que le courant 0=iddU répond à la question. 2. Construction de potentiels globaux dans C, «^2 Soit Tun courant de bidegré (q, q), q^l, dans un ouvert flccC". Pour tous <5>rç>0 fixés, on choisit une fonction x£C°°(C"), 0^x^i5 %=\ au voisinage de Qô, x à support dans Qn. On associe à T \e potentiel V{z)=( r{QT(0*K{z,Q, z¤C", où K(z, 0=- cn --, et où (avec un léger abus de notation) rj f 12àt% - L P(z-0 = jdd\z-c\2. Propagation des singularités des courants positifs fermés 39 Le noyau K est donc de bidegré total (n-1, n - 1) en (z, 0, et V est de bidegré (q - 1, q - 1) en z. La constante c">0 est choisie ici de sorte que iddK=[A] = courant d'intégration sur la diagonale de C"XC". Plus généralement, étant donné une fonction (p£C°°(C") à support dans Qn, O^çj^I, et une fonction g: ]0, +°°[->-[0, 1] croissante de classe C°°, on associe à T la (q - 1, q - l)-forme définie sur C": avec et QK) Jt U" ' Lemme 2.1. Le noyau Kg est à coefficients L110C(C"XC") et £n particulier iddKe est un (n, n)-courant positif sur C"XC". Démonstration. Les coefficients de Â"e sont des multiples constants de êCI2"-Cl2)> et par hypothèse donc ^Çi|oc(CXC")n^(CXCV). Si ^ = ^(0+) est une constante on obtient e(o+) K =- tt-K, par suite {n-\)cn id~dKe = -^-[A]. (»-l)c" En général, quitte à remplacer g par q - q(0+) et après translation et régularisation, on peut supposer que £ = 0 au voisinage de 0. Calculons alors le idd par rapport à la variable x=z-£. Il vient: ^(êflxW-H*)) = 2Q'(\x\2)(3"+Q"(\x\2)id\x\2Ad\x\2Apn-1 = [-^Q(\x\2)+Q/X\x\2))id\x\2Ad\x\2AP"-1 40 Jean-Pierre Demailly où dans la deuxième ligne on a utilisé l'égalité ia|x|2A^|x|2A^"-1 = - \x\2P", n et dans la troisième la définition explicite de q. Une dérivation sous le signe f montre que iddv(z) = fxiono a idzdzK(z, o. Les dérivations partielles dz, <9Ç, dz, <9Ç sont reliées aux opérateurs d, d sur C"XC" par les formules évidentes dz=d-d^, dz=d-dç. Par suite idzdzK = iddK- id^dK- id\K + id&K. Compte tenu de l'hypothèse dT=0 et de la formule iddK=[A], on obtient après intégration par parties: iddV = XT+fidX(0*T(OAdK(z, 0-fidx(0*T(OAdK(z, Q +fidh(0AT(0AK(z,0- On a de même: ^. 9 = f d

(p)-xT est ^0 modulo des formes à coefficients bornés. Lemme 2.2. On suppose que les fonctions x, (p et q vérifient les hypothèses techniques suivantes: (2.1) x est à support dans Qt!, x = 1 au voisinage de Qô\ (2.2) (p est à support dans Qn - Qà, ç> - 1 au voisinage du support de dx ', 1 (2.3) 0 ^ o(t) ^ 1 et 0 -s q'(t) =ë - pour tout t > 0. Alors il existe une (1, \)-forme a^0 de classe C°° à support dans Qn - Qô telle que idd(V+Ve>(p)^x(z)T(z)-I(z) Propagation des singularités des courants positifs fermés 41 avec /(z) = J«(OAr(z)A,_^;0 iz-çpvflz-cir Démonstration. On utilise l'inégalité de Cauchy-Schwarz pour minorer les termes croisés dans l'expression de iddVe>(p (deuxième et troisième intégrales, qui sont conjuguées). On a par définition de Ke et g: 2i(pd(p(0*T(0AdKg = g,(ll7fP ty&P(0ad\z-CI2aj8-iar(Ç), I = I d'où Re2/(p^(0Ar(C)A^e (2.4) §= -jAds>v>?7, où Qv est un voisinage de Qâ sur lequel % = 1 et cp = 0. Par construction V et VQt(p sont de classe C°° au voisinage de Cn\Q^ et idd(V+Ve,(p+W) sur Qv. Soit A une fonction de classe C°° à support dans Qv, A = 1 sur £2£. Le courant coïncide avec T sur Qe, 0X est de classe C°° au voisinage de C"\QV, et d'après les lemmes 2.2 et 2.3, 0^%T modulo des formes bornées sur QV\QÔ. Comme QE est un ouvert de Runge dans C", il existe une fonction p.s.h. i/^0 de classe C°°, exhaustive, i// = 0 sur Qô, xj/ strictement p.s.h. en tout point de C"\Qe. On peut alors choisir une fonction convexe croissante /id^°°(R) telle que le courant 0 = 01 + (iàdfi°^)q soit ^0 sur C" tout entier. 0 coïncide avec T sur Qô et répond donc à la question. Le corollaire 2 est une conséquence presque immédiate du théorème 1. Supposons en effet T défini sur un ouvert Q d'une variété de Stein X, et soit codez£2. Il existe un recouvrement fini de ½ par des ouverts Q±, Q2, ..., Qn½½Q et des applications Fj\ X^C" telles que Fj soit un isomorphisme de Qj sur la boule unité BaC". Soit Tj l'unique courant sur B défini par T= F* Tj sur Qj. Choisissons des réels <5>rç>0 tels que côc U Ff1((l-ô)B)nQJ. Le théorème 1 nous donne des courants iddWj^O définis sur C", qui coïncident avec Tj sur (1 - Ô)B, et dont le potentiel Wj est de classe C°° en dehors de (1 -tj)B. Soit (pj une fonction de classe C°° sur X, à support dans Qj, telle que jFfWj) coïncide avec T sur irj"1((l - ô)B)n Qj et il est positif modulo des formes de classe C°°. On peut donc trouver une fonction \J/ strictement p.s.h. de classe C°° telle que le courant 0 = {idUy+z^idd{)). Si Y est un sous-ensemble analytique fermé de dimension pure de X, nous désignons par [Y] le courant d'intégration sur Y. Théorème 4.1. ([3]; cf. aussi SKODA [6]). Soit A un ensemble fermé pluripolaire complet dans X, lA sa fonction caractéristique. Alors le courant positif1 A - 0 est fermé. Théorème 4.2. [1]. Soit S une sous-variété réelle fermée de classe C1 de X, munie d'une submersion a: S^M sur une variété C1, dont les fibres Ft-a~x{i), t£M, sont des sous-variétés complexes connexes de dimension p. On suppose que l'espace tangent TS est totalement réel dans les directions normales aux fibres [i.e. ( TS n iTS\ F = TFt]. Alors si le support de 0 est contenu dans S, il existe une unique mesure p sur M, positive, telle que 0=f JFt]dfi(t) [i.e. (0,v) = fteMdp(t)fF v pour toute (p,p)-forme v continue à support compact dans X]. Nous aurons besoin également du lemme élémentaire qui suit: Propagation des singularités des courants positifs fermés 45 Lemme 4.3. Soient coczciQ deux boules concentriques dans C". Pour tout entier p-l,2,...,n - l il existe une submersion holomorphe G: Q-+Cn~p et un ouvert V(zCn~p tels que les propriétés suivantes soient vérifiées quel que soit tÇ. V: (4.1) (4.2) (4.3) la fibre G x{t) est une sous-variété connexe de dim/?; G-1(Onco^0; G~x{t) est de volume euclidien infini. Le lemme est vrai pour des ouverts beaucoup plus généraux que des boules (par exemple pour un ouvert borné Q de classe C\ avec cûc½Q), mais nous avons opté ici pour la simplicité technique. Démonstration. On peut supposer que Q est la boule de centre « = (1,0, ..., 0) et de rayon 1. On définit alors G(z) = [zp + 1 exp 1 ..., z"exp 7) où a désigne un réel > 1 assez grand et z\ la détermination principale de la fonction exp (a Log zx) (noter que Rez^O dans Q). Pour t=(tp+1, ..., tn)£Cn~p, la fibre G_1(0 est l'ensemble défini par les équations Zj = tjGxp^--), p + 1 ^j^n, z1-l|2+|z2|24-... + |zpP+|^|exp(-^)| 1. Les coupes de G l(t) suivant les hyperplans zx=constante sont donc des boules, par suite G:_1(0 est connexe si et seulement si l'ensemble plan ^^llZi-llHr^expj^l 0 est la plus petite valeur critique sur D de la fonction t(z1) = (1 - \z1 - 1\2)1/2 . Les conditions (4.1) et (4.2) sont alors réalisées dès que \t\ est assez petit. On va maintenant montrer que le volume euclidien de G_1(t) est infini si a est assez grand et si \t\ est >0 assez petit. D'après la remarque ci-dessus l'ensemble G~x{t) est un fibre en boules, ce 46 Jean-Pierre Demailly qui donne |2j>P0. On obtient alors pour \t\ assez petit: VolfG-HO) = C %* jr« r-«+*-x dr. La condition (4.3) est donc réalisée dès que a>/? (ou même a=/? si p^2), en choisissant pour Kune boule épointée de centre 0 et de rayon assez petit dans C"_i\ Nous sommes maintenant prêts pour démontrer le théorème 3. Avec les notations du lemme 4.3, soit Me V une sous-variété totalement réelle fermée et PaM Propagation des singularités des courants positifs fermés 47 un ensemble pluripolaire complet fermé. On choisit une mesure ^^0 non nulle à support compact dans P, et on lui associe le courant de bidimension {p, p) : T = J\G-\t)]dn{t). Lemme 4.4. Le courant T vérifie les hypothèses (7) et (8) du théorème 3. Démonstration. Puisque les fibres (j_1(0 sont de volume infini, T a bien une masse infinie dans Q en vertu du théorème de Fubini. Soit de plus 0 un courant ^0 fermé sur Q qui majore T sur ca. Le courant Test à support dans l'ouvert Z=G!~1(1/), et c'est sur cet ouvert que nous allons appliquer les théorèmes 4.1 et 4.2. L'ensemble A = G~1(P) est pluripolaire complet dans X (ceci résulte immédiatement des définitions) donc \A- 0 est ^0 fermé dans X. Par ailleurs, le courant lA- 0 est à support dans la sousvariété S = G~X(M) qui vérifie toutes les hypothèses du théorème 4.2, d'après la condition (4.1) et l'hypothèse que M est totalement réelle. Il existe donc une mesure v sur M telle que 1a-&=J cJG^(t)]dv(t) sur X. Comme les fibres G~x(t) rencontrent l'ouvert ½ et comme \A'0^\A* T=T sur 0, tout compact K½Qe et tout r£]0, s[ une estimation du type: sup a(z, r) si Cr2n~2 sup p(]t- Cr, t+Cr\) avec une constante C=C(K, e)>0. L'inégalité (5) s'obtient alors grâce au résultat suivant, plus ou moins classique en théorie du potentiel. 48 Jean-Pierre Demailly Lemme 4.5. Soit y: ]0, 1]-R une fonction mesurable >0 vérifiant les hypothèses (3) f1J^-ir = + J o r et (4) suplfi*^, A>L t^Ar y(r) Alors, il existe un ensemble fermé polaire (complet) Pc[0, 1] et une mesure pi^O non nulle portée par P telle que supteR p(]t - r, t + r[)^Cy(r), rÇ]0, 1], C constante >0. Démonstration. Nous procédons en plusieurs étapes simples. a) Réduction des hypothèses. Si infj.çjo.1] K*")^» l'ensemble P={0} et la mesure de Dirac juenO conviennent. On supposera donc inf y(r) = 0 (=limr^0 y(r) grâce à (4)). Quitte à remplacer A par le nombre entier A'=[Ak]-2 avec k£N assez grand, on peut remplacer l'hypothèse (4) par (4.4) sup -^fr < A, A entier S 2. tS{A+ï)r y(f) Posons alors en supposant pour simplifier y -1 = 1 : rk = inf {r£E]0, 1] ; y (r) s A ~k}, fcÇN. 1 Il vient r0^- et A (4.5) rk+1 g rfc pour tout fcÇN. Sinon il existerait en effet e^O tel que (fk-he) (»^{o, i, ...,^-i}N} muni de la mesure /z image de la mesure d'équiprobabilité sur l'ensemble produit {0, 1, ..., A - 1}N. D'après (4.5) on a l'estimation (4-6) Zk+~konkrk - (A-1)^2+" (4+ ï)-* = (^~1^ + 1) rfco < Arko. Propagation des singularités des courants positifs fermés 49 En particulier Pc[0, 1] et (4-7) rko-2kJko+l nkrk > ^o + l- c) La mesure \i vérifie l'estimation du lemme. L'inégalité (4.7) montre que si k0 est le plus petit entier pour lequel il existe x=Z7h(x)rk, y=2nk(y)rk dans ]t-r,t + r[ avec nkQ(x)y-x>rko+1> ce qui implique rk +1 + e^(A + l)r et y 00 > - y0*o+i+£) s^-fco-2 pour 8^0 bien choisi. Le choix de k0 montre d'autre part que Pn]t-r, t+r[ c {2 nkrk; nk = nk(pc), 0 g fc < fc0}, d'où juO^-r, r+/-[)^^-feo^^(2y(r). d) P est polaire complet. On associe à ji la fonction sous-harmonique u(z) = f Log\z-t\dfi(t), qui est harmonique sur C-P. Il s'agit de montrer que u(z)=- °° pour zÇP. On utilise pour cela l'égalité V(]z-r,z+rD-, z¤[0,l]. o r Si z=Zk=onk(z)f'k^p l'ensemble ^={2,^ô1^(^)^+Z+=~0»k^; »*=o,î,...,a-\ si kè/c0} a pour mesure A~k° et la formule (4.6) montre de plus que Ea]z-r, z+r\ dès que r r^Ark . En choisissant k0 tel que rk ^- jy(^J> ce qui implique u(z)=- °° d'après (3). 50 Jean-Pierre Demailly 5. Existence de sous-variétés totalement réelles et pluripolaires complètes L'objet de ce paragraphe est de démontrer le résultat suivant: Théorème 5.1. // existe dans C" une sous-variété M de classe C°°, de dimension réelle n - \, totalement réelle et pluripolaire complète. Ce résultat a été obtenu par DIEDERICH-FORNAESS [2] en réponse à une question de T. OHSAWA. Comme la démonstration n'est explicitée dans [2] que pour n=2 et comme nous avons une méthode plus simple et plus constructive, nous redonnons ici la preuve détaillée. Théorème 5.2. Soit (Vj)keN une suite de vecteurs de l'espace euclidien R"~x telle que (5-1) k| ^ k+1| et (5.2) lim sup 0 telle que les conditions suivantes soient réalisées: (5.3) limt£iN = 0, (5.4) nm fcl - = 0. Ak + 1 Alors le graphe de la fonction /(*0 =2ïrQexp{-Ak(l + i(x', vk))) défini par Mf= {z=(z\ z")£C"; z'ÇR"-1 et zn-f{z')} est une sous-variété pluripolaire complète de classe C°°. Plus précisément, il existe une fonction p.s.h. u continue sur Cn-Mf telle que Mf - u~x{ - «=). Démonstration. Les hypothèses (5.1)-(5.4) impliquent Ak+1 ( Ak\ hm|ufc|=+oo5 lim = +oo et \vk\v - Oltxp - Ak V 2 ) quel que soit v£N. On a donc 2t~o (A K\T exp (-A) < + ~ (Vv¤N), ce qui prouve que / est de classe C°°. Posons pour tout y¤N: Fj(z') = Zogkèjexp(-Ak(l + i(z', vk))), z'eC»-\ uj(z) = sup|-l, -j- Log ta-F/sOl}, z = (z, zn)^C". Propagation des singularités des courants positifs fermés 51 La croissance rapide de la suite (Ak) entraîne l'existence d'une constante C>0 telle que l/OO-i^ONCexpC-^.+x) pour z^W~\ donc (5.5) lim U:(z)=- 1 si zÇMf. D'autre part pour j^j0 assez grand il vient: \Fj(z')\^Cexp(Aj\vj\\Imz'\), (5.6) uj(z) ^ ^M[|Imz'| + Log(C+|z"|)]. Quel que soit v£N on peut choisir grâce à (5.4) un indice y(v)-7o tel que (5.7) dzM^2-v pour j^j(y). Aj + i Considérons dans C-Mf la suite exhaustive de compacts Kv = {z = (z/, z"); |z|=Sv et |Im z'| + |z"-/(Re z')\ s= 2~v}. Etant donné un point z£Kv, Im z' ^0, il existe un indice j>j(y) tel que (Im z', Vj)> 1+-^- (hypothèse (5.2)) d'où |F/-(z/)-FJ._1(z/)|>2 et sup {«,(z), «/_i(z)}>0. Si z£/Tv et lmz' = 0, on a lim^+M |z" -Fj(z^|==|z"-/(z')|>0, par suite limj^ + co w7(z) = 0. Par compacité de Kv on peut donc trouver un indice J(v) tel que (5.8) sup{Mj.(z); j(v)^j^J(v)}^-2~v sur tfv. Ceci nous permet de poser "0) = JS-H SUP K-O); J'(v) = j ^ /(v)}- Les inégalités (5.6), (5.7) et (5.8) montrent que la série précédente est majorée (resp. minorée) sur tout compact de C" (resp. de C"-Mf) par une série géométrique de raison y; u est donc une fonction plurisousharmonique dans C", continue sur Cn-Mf. De plus (5.5) enraîne que u=- °° sur Mf. | 52 Jean-Pierre Demailly : Propagation des singularités des courants positifs fermés Bibliographie 1. Demailly, J. P., Courants positifs extrêmaux et conjecture de Hodge; Inv. Math. 69, (1982), 347-374. 2. Diederich, K. and Fornaess, J. E., Smooth, but not complex analytic pluripolar sets; Manu- scripta Math. 37, (1982), 121-125. 3. El Mir, H. Théorèmes de prolongement des courants positifs fermés; Thèse de Doctorat d'Etat soutenue à l'Université de Paris VI, novembre 1982; Acta Math. 153 (1984). 4. Lelong, P., Fonctions plurisousharmoniques et formes différentielles positives ; Gordon and Breach, New York, et Dunod, Paris (1967). 5. 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