Séminaire P.LELONG.H.SKODA (Analyse) 18e et 19e année, 1978/1979. RELATIONS ENTRE LES NOTIONS DE POSITIVITES de P.A.GRIFFITHS et de S.NAKANO POUR LES FIBRES VECTORIELS par J.-P.DEMAILLY et H.SKODA Introduction. Ce travail a été motivé par les deux mémoires [3] et [4] du deuxième auteur, dans lesquels on étudie le relèvement des sections holomorphes globales de fibres vectoriels semi-positifs par un morphisme surjectif. Ces deux mémoires sont construits de manière parallèle, le premier utilisant la notion de semi-positivité au sens de S.NAKANO, le second la semi-positivité au sens de P.Griffiths (cf. la proposition 2 pour les définitions précises) et le passage au fibre en es­paces projectifs. Ce double exposé , se justifiait par le fait que la positivitë au sens de S.Nakano était à priori la mieux adaptée au problème posé (et à l'identité de Kodaira pour les fibres de rang quelconque) tandis que la positivitë au sens de P.Griffiths était en revanche la notion la plus géométrique (elle passe aux fibres quotients) et cel­le qu'on rencontre le plus souvent dans les exemples concrets (un fibre engendré par ses sections globales est semi-positif en ce sens). L'objet de ce travail est de montrer qu'on peut, en un certain sens, passer aisé­ment d'un type de positivitë à l'autre. Il résulte trivialement des définitions que la semi-positivité de S.Nakano entraîne celle de P.Griffiths. Inversement, on montre que si E est semi-positif au sens de P.Griffiths, alors E #dét E est semi-positif au sens de S.Nakano. La notion de semi-positivité de S.Nakano apparaît donc, en un certain sens, comme aussi générale et géométrique que celle de P.Griffiths, contrairement au sentiment qui semblait prévaloir parmi les mathématiciens intéressés. Il en résulte que le deuxième mémoire [4] peut se déduire entièrement du premier et du présent résultat, avec même une substantielle amélioration. Néanmoins, ce second mémoire présente l'intérêt de montrer que la technique de passage au fibre en espaces projectifs de P.Griffiths est efficace, y compris pour l'obtention 2 d'estimations L simples. De même, le théorème d'annulation de P.Griffiths [1] pour les fibres positifs devient un corollaire du théorème d'annulation de S.Nakano [2]. Plus généralement, le présent résultat semble montrer que l'usage de l'identité de K.Kodaira pour les fibres de rang quelconque peut désormais concurrencer très ef­ficacement la méthode du passage au fibre canonique de rang 1 au-dessus du fibre en espaces projectifs. 305 S'il est certain que ce travail a été fortement influencé par les travaux du deu­xième auteur, le résultat essentiel est fondé sur une propriété simple des formes hermitiennes sur un produit tensoriel, dont l'idée est due au premier auteur. Après l'exposé du résultat principal, nous donnons des applications aux théorèmes d'annulation et aux problèmes de relèvement de sections globales. Exposé du résultat principal. THEOREME 1. - Soit E un fibre vectoriel hermitien de rang p au-dessus d'une variété complexe Q. j_L_ E est ^ 0 au sens de Griffiths , et si on pose dét E = À E , alors E «dét E est ^0 au sens de Nakano. Si ic(E) ^ V au sens de Griffiths, où c(E) dési­gne la forme de courbure de E et où y est une (1,1)-forme sur Q à valeurs dans le fibre Herm(E) des endomorphismes hermitiens de E, alors ic(E ®dét E) > , 0 sur E ®T) . La démonstration sera une conséquence aisée du lemme suivant. LEMME 3. - Soient qun entier ^ 3, u. et v, , 1 £j,k £ p , des nombres complexes. Pour a décrivant l'ensemble des applications de {1, 2 p} dans le groupe des racines q-ièmes de l'unité, on pose P u' = l u a(À) , v ' = _ v C(u) • ° X-l À ° p-1 y Alors pour tous j,k , 1 £j,k< p, on a l'identité a p E a(j) a(k) u' vT = u. v si j ^ k , ■ E u. v, si j = k. À Démonstration. Le coefficient de u, v dans la somme X y a~P S a(j) ÔTk) u* v"^ a o a est donné par a"p E a(j) 61k) Jâ) o(v) . o Il s'agit de montrer que ce coefficient vaut 1 si {j,y}={X,k} , et qu'il est nul si {j,u}* {X,k} . 306 Si {j,y}= {A, k} , on a 0(j) a(k) a(A) o(\i) = 1 pour tout a , d'où le résultat. Si {j,y} î {A,k} , l'un des éléments de l'une des paires n'appartient pas à l'autre paire. Comme les quatre indices j,k, A , y jouent le même rôle, quitte à changer éventuellement O en O, on peut supposer par exemple que j $ {A., k} . Effectuons sur o la substitution a '—*■ T , où x est défini par 2iff CT(j) = e T(j) , a(v) = x(v) pourvu j . On obtient 2iit E = e E si j i* y , 4Î7T T E = e a E si j - y ; a T comme a^-3 et E = E ,ona par conséquent a E o(j) a(k) a (A) a (y) - 0 a t a dans le cas considéré {j,y} ^ {A, k} . Démonstration de la proposition. Ayant choisi une base orthonormee de E et une base de T, on désigne par (b.) , l^j^p, les coordonnées de b€E, par (c. ) , 1 < l 4- n, celles de ce T , J * et par (x.. ) celles de xGEST. Si les nombres complexes a., . sont les coefficients de 0 (avec a., « = a . „) on a les formules : 0(b«c , b«c) = _ Z a.k£m b. \ H cm , J » k ,X/1 m 0(x,x) = Z a.. 0 x.0 x, , j,k,£,mjk£m ^ ta TrE0®IdE(x, x) = E a x k^ , j,k,£,m JJ avec I < j > k < p, 1 ^ &, m 4 n . Par hypothèse, 0(b®c, b®c) est >, 0. a décrivant comme dans le lemme l'ensemble des applications de {1, ..., p} dans le groupe des racines a-ièmes de l'unité , on pose : D'après l'hypothèse de semi-positivité et d'après le lèmme il vient 0 « a~P E E a a(j) ô?k) x» F" . . „ jkxm Oi a ni a j,k,x, ,m ■ Z a., „ x. x, + E a. .. x, . x, •_ii « jk£m j£ k,m . . . Jj&m k£ km j?k, £,m J J j,k,£,m JJ 307 On obtient donc : (0 ♦ TrE 0 ®Id£) (x,x) - ï a x x^ + E a. x^£ x^ j ,k, X, ,m J J j ,k,£,m JJ >, T. a. .. x. x. >, 0 . j,A,m Jj£m J* Jm Applications. Il résulte aussitôt du théorème 1 , que tout énoncé concernant les fibres posi­tifs ou semi-positifs au sens de S.Nakano se traduit en un énoncé correspondant concernant les fibres semi-positifs au sens de P.Griffiths. Pour la commodité du lecteur, nous explicitons certains de ces résultats. Q désignera désormais une variété kahlêrienne, faiblement pseudoconvexe (il existe 2 une fonction d'exhaustion de classe C plurisousharmonique), K le fibre canonique des n formes holomorphes sur fi. On a le résultat classique suivant [2] . THÉORÈME 4 (S.Nakano). - Si_ E est positif au sens de S.Nakano, on a ; Hq( fi, K®E) = 0 , pour q :> 1 . COROLLAIRE 5 (P.A.Griffiths [l]) . - Si E est positif au sens de Griffiths, on a : Hq( fi , KS>E ®dét E) = 0. Si E est seulement semi-positif au sens de Griffiths, on a : Hq(fi , K®E ®dét E ®M) = 0 pour tout q >1 et tout fibre en droites M > 0. Remarque. Si la forme ic(E) définie par : c(E) = (p +.l)c(E) - Tr c(E)® Idg est >0 au sens de Griffiths, l'application de la proposition 2 montre que ic(E) est semi-positive au sens de S.Nakano, ce qui répond à la question posée par le second auteur dans [3] , page 608. De plus, si ic(E) est supposée positive au sens de Griffiths, le théorème de Nakano s'applique à E, ce qui redonne le théorè­me correspondant de P.Griffiths [l] , p. 212. On traduit maintenant les résultats du second auteur [3] , relatifs à la semi-positivité au sens de S.Nakano, en termes de semi-positivité au sens de Griffiths. 308 THEOREME 6. - Soit g : E —>-Q —>-0 un morphisme surjectif de fibres vectoriels holomorphes, hermitiens, de rangs respectifs p et q, au-dessus de fi. Si E est semi-positif au sens de P.Griffiths et si M est un fibre en droites, hermitien, tel que : ic(M ®(dét E) ) > ikc(dét Q) pour un réel k >Inf(n, p - q), alors le morphisme g : H°(fl, K®E®M) —>-H°(fi, K®Q®M) est surjectif. En particulier pour tout entier k >Inf(n, p-q) le morphisme g : H°(fi , K®E «dét E «(dét Q)k) >- H° ( fi , lK®Q®dét E ®(dét Q)k) est surjectif. Remarque. D'après [3J , la tensorisation par dét E est inutile si p - q = 1. Si le morphisme g dégénère en certains points, on pose : Z - {x£fi | g(Ex) + 0^} . On suppose que Z est fi-négligeable au sens suivant : il existe un ensemble fermé Y, de mesure nulle, contenant Z, tel que fi\Y soit faiblement pseudoconvexe et tel que Y soit un ensemble singulier, impropre, pour les fonctions holomorphes locale­ment de carré sommable (en pratique Y est une hypersurface convenable et la con­dition est toujours réalisée si fi est de Stein ou projective). 2 On a alors l'énoncé précis suivant, avec estimations L pour les solutions, dans lequel g est l'adjoint de g pour les métriques hermitiennes dé E et Q. THÉORÈME 7. - Soit g : E —*- Q un morphisme de fibres vectoriels, holomorphes, hermi­tiens, au-dessus de fi. On suppose que Z est distinct de fi ejt fi-négligeable. On sup­pose E semi-positif au sens de P.Griffiths. Soit M un fibre en droites hermitien tel que : ic(M) >, ic(dét E) + ikc(dét Q), pour un réel k> r = Inf(n, p - q) et 2 soit (p une fonction plurisousharmonique de classe C sur fi . Alors pour toute f e H°( fi, Q ® K ®M) telle que : J (gg* f|f) (dét gg*) . e * dT<+«», il existe h€H ( fi , E®K®M) telle que : f = gh |h|2 (dét gg*)"k e"^ dT<ïïkT| (Sï* f|f) (dét gg*)"k-1 e"%T , où gg désigne le cotransposé de l'opérateur gg . (le cotransposé u d'un homomorphisme u d'un espace de dimension q est défini par : u(x,) a x„ a ... a x = x. A u(x„) a ... a u(x ) , pour tout x ,x ,..., x de 12 q 1 z q i / q l'espace) . En faisant une hypothèse de stricte positivité sur M, on peut faire k = r = Inf(n, p - q) dans le théorème 6, et on obtient,: 309 THEOREME 8. - Soit 0 -f S -+E 4q ->-0 une suite exacte de fibres vectoriels, holomorphes, hermitiens sur fi. So_ E est semi-positif au sens de Griffiths et si M est un fibfé en droites >0, on a : H!( fi, K®S®dét E®(dét Q)r®M) = 0 , et en particulier , le morphisme g : H°( fi , K®E ®dét E ®(dét Q)r® M) —*• H° ( fi , K®Q ®dét E ®(dét Q)r®M) est surjectif. 2 Le théorème 8 admet une version plus précise, avec estimations L pour le relèvement des sections, valable lorsque le morphisme g dégénère, que nous ne reproduisons pas ici pour ne pas alourdir cet exposé. Le lecteur intéressé pourra se reporter à [3j, p. 604 et 606. Les théorèmes 6,7 et 8 sont démontrés dans [4-J par une méthode différente, inspi­rée de P.Griffiths [lj , mais avec l'entier r = p - q au lieu de r = Inf(n, p - q). BIBLIOGRAPHIE [l] GRIFFITHS (P.A.). - Hermit ian differential geometry, Chern classes and posi­tive vector bundles, Global analysis, Princeton University Press, p. 185-251, 1969. [2] NAKANO (S.). - Vanishing theorems for weakly 1-complète manifolds II, Publ. RIMS, Kyoto University, vol. 10, p. 101, 1974. [3] SKODA (H.). - Morph ismes surjectifs de fibres vectoriels semi-positifs, Ann. Scient. Ec. Norm. Sup., 4e série, t. 11, p. 577-611, 1978. [4] SKODA (H.). - Relèvement des sections globales dans les fibres semi-positifs, Séminaire P.LELONG.H.SKODA, 1978-1979.