C. R. Acad. Se. Paris, t. 288 (8 janvier 1979) Série A - 39 GÉOMÉTRIE ANALYTIQUE. - Fonctions holomorphes bornées ou à croissance polynomiale sur la courbe ex + ey=l. Note (*) de Jean-Pierre Demailly, transmise par Paul Malliavin. Nous démontrons un théorème d'extension très précis pour les fonctions holomorphes de deux variables complexes sur la courbe ex + er = 1, et en déduisons que les fonctions holomorphes bornées sont constantes, ou plus généralement, que toute fonction à croissance polynomiale s'étend en un polynôme sur C2. Outre l'application immédiate aux fonctions méromorphes, ce résultat permet d'étudier certaines hypersurfaces deC". We show a very précise extension theoremfor holomorphic fonctions on the curve e' + ey=l, and deducefrom it that bounded holomorphic fonctions are constant, or more generally, that every holomorphic fonction with polynomial groivth extends to a polynomial in C2. This resuit immediately applies to meromorphic fonctions, and can also be used to study some hypersurfaces of C". 1. Extension des fonctions holomorphes. - Nous noterons S la courbe d'équation é* + ey=l dans C2. Théorème 1. - Soient cp une fonction plurisousharmonique dans C2 vérifiant la condition de Lipschitz | cp (z) - cp (z') | rgA pour tous points z, z' tels que \z - z'\ <1, et f une fonction holomorphe sur la courbe S telle que \f(z) | ^ev(z) pour z appartenant à S. Alors il existe une fonction entière F prolongeant f telle que |F(z)| ^10VA(1+ |z|)5(l+ \ex + ey\)e^z), avec les notations z = (x, y)eC2, |z|2= | x\2 + \y\2- La démonstration, très technique, est néanmoins classique dans son principe, et fait appel aux estimations d'Hôrmander (2). Nous renvoyons le lecteur à (*) pour le détail. 2. Fonctions a croissance polynomiale sur S. - Le principal résultat, déjà démontré par I. Wakabayashi (4) pour les fonctions bornées (par une méthode différente), est le suivant : Théorème 2. - Soit f une fonction holomorphe sur S telle que |/(z)| ^C(l + |z|)" pour zeS, où C est une constante positive, et n un réel. Alors f est la restriction à S d'un polynôme sur C2 de degré au plus égal à n. Nous démontrons le théorème 2 en considérant l'extension F de/ fournie par le théorème 1. L'argument essentiel consiste à remarquer que F est polynomiale sur chacune des droites y = x + (2k+ï)in, keZ, de la courbe ex + ey = 0, et permet d'obtenir le : Lemme. - (i) Soit F une fonction entière sur C2 telle que | F (z) | ^ C (1 + | z | )" (1 + | ex + ey | ) pour tout z dans C2. Alors il existe des polynômes G et H de degré au plus égal à n tels que F(z) = G(z) + {ex + ey)H(z). (ii) Soit P un polynôme sur C2 tel que | P (z) | :g C (1 + | z | )" sur S. Alors le degré de P ne dépasse pas n. Il en résulte très facilement les corollaires suivants : Corollaire 1 {analogue pour S du théorème de Picard). - Une fonction méromorphe non constante sur S prend toute valeur une infinité défais, sauf éventuellement un ensemble maigre de valeurs. 40 - Série A C. R. Acad. Se. Paris, t. 288 (8 janvier 1979) Corollaire 2. - Soit f une fonction méromorphe non nulle (resp. et d'ordre fini) dans C". Alors toute fonction holomorphe bornée {resp. à croissance polynomiale par rapport à x, y, w) sur l'hypersurface de C" + 2 d'équation ex + ey = f{w), est constante {resp. polynomiale). Le corollaire 2 résout un cas particulier d'une conjecture de L. A. Rubel, W. A. Squires et B. A. Taylor : Conjecture. - Sifly . . ., fn, n^3, sont des fonctions méromorphes non constantes dans le plan, toute fonction holomorphe bornée sur l'hyper surface fl{zl) + . . . + fn{zn) = 0[irréductible d'après (3)] est constante. 3. Applications. - Soient L"(n^l) l'hypersurface deC" + 1 d'équation eZl+ . . . +ez"+1 = l, égale à S pour n=l, et p" l'application de E" dans C" qui au point {zx, . . ., zn+1) fait correspondre (eZl, . . ., e2°). p" est un revêtement d'espace total zZ", et de base l'espace X" = P" privé des {n + 2) hyperplans w1=0, . . ., w" = 0, w1+ . . . + w" - 1 = 0, et de l'hyperplan à l'infini (en coordonnées non homogènes ic,, . . ., w"). Le groupe des automorphismes du revêtement est le groupe, isomorphe à Z"+1, des transformations (z;)j â/s"+1 h^ (z,- + 2 ikj n)1 ûjèn+l où les k} sont des entiers. Comme Xj =P1 - {0, 1, oo } admet pour groupe fondamental un groupe libre à deux générateurs, et que le groupe d'automorphismes du revêtement 2^ -*? Xj est isomorphe à Z2, 2^ = 8 est le revêtement homologique de Xx (i. e. le plus «grand» revêtement abélien de X^. Pour n^2, E" s'identifie au revêtement universel de X" (ce qui signifie encore que E" est simplement connexe). Le corollaire 2 nous permet donc de retrouver le résultat suivant de I. Wakabayashi (4) : Corollaire 3. - Pourn^.2, toute fonction holomorphe bornée sur le revêtement universel de l'espace projectifV" privé de {n + 2) hyperplans en position générale est constante. (*) Séance du 11 décembre 1978. f1) J.-P. DEMAILLY, Fonctions holomorphes à croissance polynomiale sur la surface d'équation ex + ey = i [Bull. Se. Math, (à paraître)]. (2) L. Hôrmander, An Introduction to Complex Analysis in Several Variables, North-Holland Publishing Company, 1973. (3) L. A. Rubel, W. A. Squires et B. A. Taylor, Irreducibility of Certain Enlire Functions with Applications to Harmonie Analysis (preprint). (4) I. Wakabayashi, Comptes rendus, 285, série A, 1977, p. 373. École normale supérieure, 45, rue d'Ulm, 75005 Paris et L. A. au C.N.R.S., n" 213, « Analyse complexe et Géométrie », Université Paris-VI, 75005 Paris.