Annales de l'institut Fourier Jean-Pierre Demailly Champs magnétiques et inégalités de Morse pour la d''-cohomologie Annales de l'Institut Fourier, tome 35, n° 4 (1985), p. 189-229. © Annales de l'institut Fourier, 1985, tous droits réservés. L'accès aux archives de la revue « Annales de l'institut Fourier » (http://annalif.ujf-grenoble.fr/), implique l'accord avec les conditions générales d'utilisation (http://www.numdam.org/legal.php). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d'une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. NUMDAM Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques http://www.numdam.org/ Ànn. Inst. Fourier, Grenoble 35, 4 (1985), 189 à 229. CHAMPS MAGNÉTIQUES ET INÉGALITÉS DE MORSE POUR LA d '-COHOMOLOGIE par Jean-Pierre DEMAILLY 0. Introduction. Soit X une variété C-analytique compacte de dimension n, F un fibre vectoriel holomorphe de rang r et E un fibre holomorphe en droites hermitien de classe #°° au-dessus de X. SoitD = D' + D" la connexion canonique de E et c(E) = D2 = D'D" + D"D' la forme de courbure de cette connexion. Désignons par X(q), 0 < q < n, l'ouvert des points de X d'indice q, i.e. l'ouvert des points xeX en lesquels la forme de courbure ic(E)(x) a exactement q valeurs propres < 0 et (n - q) valeurs propres > 0. On pose également X(< q) = X(0) u X(l) u .. .u Xfa). Nous démontrons alors les inégalités de Morse suivantes, qui bornent la dimension des espaces de cohomologie H*(X,E*®F) en fonction d'invariants intégraux de la courbure de E. Théorème 0.1. - Lorsque k tend vers + oo on a pour tout q = 0,1, - -., n les inégalités asymptotiques suivantes. (a) Inégalités de Morse : dim H*(X,Ek®F) 1, i( A^c(E)|.(-.)«"!. L'existence d'une majoration du type 0.1 (a) était conjecturée par Y. T. Siu, qui a successivement démontré le cas particulier où ic(E) est > 0 dans le complémentaire d'un ensemble de mesure nulle [16], puis le cas où ic(E) est ^ 0 sur X [17]. Nous avons d'ailleurs emprunté à Siu une partie des techniques utilisées ici, notamment aux § 3 et § 5. La preuve INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 191 du théorème 0.1 repose sur la méthode analytique introduite récemment par E. Witten [18], [19]. Cette méthode permet (entre autres) de redémontrer les inégalités de Morse classiques bq < mq sur une variété différentiable compacte M, où b, désigne le q-ièmc nombre de Betti et mq le nombre de points critiques d'indice q d'une fonction de Morse quelconque sur M. Dans notre situation, le rôle de la fonction de Morse est tenu par le choix de la métrique hermitienne sur E. On munit d'autre part X et F de métriques hermitiennes arbitraires, qui interviendront seulement dans les termes o(kn) des estimations finales. Étant donné un réel X ^ 0, on considère le sous-complexe Jf?l(X) du complexe de Dolbeault #0½.(X,E*®F) des (O^)-formes de classe *°° sur X à valeurs dans Ek ® F, engendré par les fonctions propres du Laplacien antiholomorphe A" dont les valeurs propres sont ^ kX. Les groupes de cohomologie du complexe J^l(X) sont alors isomorphes aux groupes H9(X,Ek®F) (proposition 4.1), de sorte qu'il suffit de savoir borner la dimension des espaces Jf?l(k). Pour cela, on utilise essentiellement deux outils. Le premier outil consiste en une formule de type Weitzenbôck (0.3) l f = f ^|Vku + SW|2 - 0 les modules des valeurs propres non nulles de l'endomorphisme antisymétrique associé. On définit une fonction vB(x)(X) du couple (x,X) 6 M x R, continue à gauche en X, en posant (0.5) vB(X)= 2°"n ' B^.B. £ [X-X(2p,+ 1)B#-S rQ-s+lj <,,.....*>.*- avec la convention 0° = 0. Enfin, si Xx ^ X2 < ... désignent les valeurs propres de Qfc (comptées avec multiplicité), on considère la fonction de dénombrement Nk(X) = card {/; Xj< X,}, X g R. Théorème 0.6. - Si dCl est de mesure nulle, il existe un ensemble dénombrable 2 <= R tel que lim k~^k(X)= F vB(V + À,)da pour tout XeR\3>. Pour démontrer le théorème 0.6, on commence par étudier le cas simple où M = Rn avec un champ magnétique constant B et avec V = 0. Lorsque Q est un cube, on sait alors expliciter les fonctions propres par une transformation de Fourier partielle qui ramène le problème à celui classique de l'oscillateur harmonique en une variable. L'idée de ce calcul nous a été fortement inspirée par les articles [3] [4] de Y. Colin de Verdière. L'extension du résultat au cas d'un champ magnétique quelconque reprend INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 193 une idée de [16], consistant à utiliser un pavage de Q par des cubes assez petits. Notre méthode est néanmoins très différente de celle de Siu, puisque nous travaillons directement sur les formes harmoniques alors que Siu se ramenait aux cochaînes holomorphes via l'isomorphisme de Dolbeault. On gagne ainsi beaucoup en précision sur les estimations cherchées. Le côté des cubes doit être ici choisi d'un ordre de grandeur intermédiaire entre fe * et k *, par exemple k * : k * est en effet la longueur d'onde des premières fonctions propres, de sorte que l'action du champ magnétique B n'est pas perceptible à une échelle inférieure; au-dessus de fe *, l'oscillation de B est au contraire trop forte. On utilise finalement le principe du minimax pour comparer les valeurs propres sur Q aux valeurs propres sur les cubes. Dans la méthode antérieure de [16] (telle qu'elle est reprise dans [7]), la _i taille des cubes était choisie égale à fc 2 ; on peut voir aisément que ce choix était critique pour permettre de borner les effets du champ magnétique indépendamment de fe, mais la détermination exacte du spectre devenait alors impossible. Le dernier paragraphe est consacré à l'étude de caractérisations géométriques des espaces de Moiâezon [13]. Rappelons qu'un espace analytique compact irréductible X est appelé espace de MoiSezon si le corps K(X) des fonctions méromorphes sur X est de degré de transcendance = n = dimcX. La conjecture de Grauert-Riemenschneider [10] affirme que X est de MoiSezon si et seulement si il existe un faisceau quasi-positif S de rang 1 sans torsion au-dessus de X. Par désingularisation, on se ramène au cas où X est lisse et où ê est le faisceau localement libre des sections d'un fibre en droites E strictement positif sur un ouvert dense de X. Y. T. Siu [17] a résolu récemment la conjecture et l'a renforcée en supposant seulement ic(E) semi-positive et > 0 en au moins un point. L'utilisation du théorème 0.1 (b) permet de trouver des conditions géométriques plus faibles encore, qui n'exigent pas la semi-positivité ponctuelle de ic(E), mais seulement la positivité d'une certaine intégrale de courbure. Pour q = 1, l'inégalité 0.1 (b) implique en effet une minoration du nombre de sections holomorphes de E*, à savoir : (0.7) dim H°(X,Ek) ^ £j- f f JL c(E)Y - o(kn). On peut montrer d'autre part, en utilisant un raisonnement classique de Siegel [15] mis en forme par [16] que dim H°(X,Ek) < cte.fc"-1 si X n'est 194 JEAN-PIERRE DEMAILLY pas de MoiSezon (cf. théorème 5.1). De là il résulte le Théorème 0.8. - Soit X une variété C-analytique compacte connexe de dimension n. Pour que X soit de Moisezon, il suffit que X possède un fibre holomorphe en droites hermitien vérifiant l'une des hypothèses (a), (b), (c) ci-dessous. (a) f (ic(E))">0. JX«1) a) c1(E)n > 0, et la forme de courbure ic(E) ne possède aucun point d'indice pair ^ 0. b) ic(E) est semi-positive en tout point de X et définie positive en au moins un point de X. Ce travail a fait l'objet d'une note [8] du même titre, publiée aux Comptes Rendus. Le présent article est une version améliorée d'un mémoire antérieur [7], qui était plus proche des techniques initiales de Siu, et qui démontrait seulement l'inégalité 0.1 (a) à la constante numérique près; de ce fait, les estimations 0.1 (b) et (c) restaient inaccessibles. L'auteur remercie vivement MM. Gérard Besson, Alain Dufresnoy, Sylvçstre Gallot et tout particulièrement Yves Colin de Verdière, pour de stimulantes conversations qui ont beaucoup contribué à la mise en forme définitive des idées de ce travail, notamment dans le § 1. 1. Spectre de l'opérateur de Schrôdinger associé à un champ magnétique constant. Soit (M,#) une variété riemannienne de classe #°°, de dimension réelle n, et E -> M un fibre en droites complexes au-dessus de M, muni d'une métrique hermitienne #°°. Notons #®(M,E) l'espace des sections de classe #°° du fibre A«T*M®E, et (?|?) l'accouplement sesquilinéaire canonique ^(M,E) x <^½(M,E) - <^%(M,C). On suppose donnée une connexion hermitienne D sur E, c'est-à-dire un opérateur différentiel d'ordre un D : tf?(M,E) -> 0, s < -- On peut alors choisir une trivialisation de E dont le potentiel vecteur associé est s A = X Bj*/ i2\ vi^i2L INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 197 où d\i désigne la mesure de Lebesgue sur R". Si on effectue l'homothétie X;- = y/kxj9 on est ramené à étudier les valeurs propres de la forme quadratique J [z eu ôXj + 1 j>2s ou ÔX, d\i sur les cubes ^/fcO de côté yjkr. Au champ B, nous associons la fonction de la variable réelle X définie par 2~s + (1.5) Vb(X) = I-U-.+ 1 B^-.B, (Pl P^N* [X-Z(2p,.+ 1)B/ où l'on pose par convention X°+ = 0 si X ^ 0 et X°+ = 1 si X > 0. La fonction vB est donc croissante et continue à gauche sur R ; on observera que vB est en fait continue si s < - - Le spectre de QQk est alors décrit asymptotiquement par le théorème suivant, dont l'idée nous a été suggérée par Y. Colin de Verdière [4]. Théorème 1.6. - Soit R un réel > 0, P(R) = {xeR";|x,|<|J le pavé de côté R, QR la forme quadratique ^ ^ r r v f\eu\2 iôu -D \2\ v iH2~L QtW- I y +\^+iBjXju\ + E - du, JP(R) LUy'^s \\UXj\ \uxj + s. I / j>2s|c;jcj| J et NR(À,) te nombre de valeurs propres ^ X de QR pour le problème de Dirichlet. Alors pour tout XeR on a lim R-"NR(Jl) = vB(X,). R-> + oo Lorsque s = - > vB est une fonction en escalier. Les valeurs propres de QR se regroupent donc par paquets autour des valeurs 2,(2pj+ 1)BJ5 avec multiplicité approximative (2n)~sB1.. .BsRn. Ceci peut s'interpréter physiquement comme un phénomène de quantification des états propres. 198 JEAN-PIERRE DEMAILLY En revenant au problème initial relatif à la forme quadratique Qak, nous obtenons le Corollaire 1.7. - lim k 2NQk(\) = rnvB(X). fc-> + 00 ? Démonstration du théorème 1.6. - On cherche d'abord à majorer NR(X). Dans ce but, étant donné mgWJ(P(R)), on exprime u sous forme de série de Fourier partielle par rapport aux variables xs+1, ..., xn : R u(x) = R-*{n-s) £ ^(jOexpf^.x" où u,e Wq(Rs n P(R)), avec les notations X \X j ,. . . ,XSJ , X \XS + i 5 - - - r,Xn) , ê .x = ^iXs+1 + - - - + £n_sxn. L'hypothèse mgWq(P(R)) entraîne que la série ZKI2k(*')l2 est dans L2(RS). Posons r = {/x,.../s), /" = (ts+1,.../"_s). La norme ||u||P(R) et la forme quadratique QR sont données par On obtient par conséquent un problème de Dirichlet à «variables séparées» sur le cube Rs n P(R). En posant t = Xj + ^^» on est RB; ramené à étudier le spectre de la forme quadratique d'une variable /B/0 où - )> et Xp.t,. la valeur propre correspondante. On peut alors décomposer chaque fonction u, en série de fonctions propres, ce qui conduit à écrire u sous la forme (1.9) u(x) = R~"2<-s> £ uvJVp/.{x')^J~f.A (f>/)eNsxZ"-s \ K / avec up/eC, ¥p/,(x') = fi 'V/*;)- Kj^s (¥'*")»'« On prendra garde au fait que x¥pr(xf)exp ( -j^-^*" I nest Pas une vraie fonction propre pour le problème de Dirichlet, car le terme exponentiel prend des valeurs non nulles aux points du bord Xj = + - -> j > s. Par conséquent, les coefficients (up/) ne sont pas arbitraires si m e Wq(P(R)); ils doivent vérifier les conditions d'annulation au bord : (1.10) I (-l)';up/ = 0 0¤Z pour tout j - 1, ..., n - s et tous les indices autres que t^ fixés : p E N , l ! , . . ., l j- x , Cj+ l9 - - -, ln-s G Z . Avec récriture (1.9), la norme L2 et la forme quadratique QR s'expriment sous la forme IMIpcr) = *KA2, Qr(") = *(v + ^ IH2 Wl2> 200 JEAN-PIERRE DEMAILLY où XPt/. = Y, K-S-- ^e principe du minimax 1.20(6) rappelé plus loin montre que 4n (1.11) NR(X) ^ card j(p/)eN»xZ"-'; ^ + Z^|H2p(RyfBj/2) / 0. La minoration À,p.,. ^ (2pj+ l)Bj résulte en effet du minimax et du fait que les valeurs propres de q(f) sur R valent (2pj+l)BJ. Pour obtenir l'autre inégalité, on minore (1.8) par la forme quadratique Les fonctions propres de q sont les fonctions sin|;(Pj+1)(*j + y h Pj^N; X,p.y. est donc minorée par la valeur propre correspondante : Les inégalités sont strictes parce que d'une part q(f) > q(f) pour tout /^0, et d'autre part Op.(x//B^t) ne peut être fonction propre de q sur ]- R/2, R/2[+2ntj/KBj que si car ^- est la demi-diagonale du cube; l'entier x"(p) est donc encadré par le volume des boules Bl 0,p± ^- D An2 lemmes 1.12, 1.13. Pour peNs fixé, l'inégalité Xp/, + -^yin2 ^ X R Nous majorons maintenant lim sup R~WNR(X) en utilisant (1.11) et les rimes 1 implique î (1.14) n^_()l_E(2p.+ l)B/+, et l'inégalité est stricte pour R > R0(p) assez grand. Lorsque s < n/2 le nombre de multi-indices reZ"~2s correspondants est donc au plus ce nombre doit être compté comme valant 1 si X - 2(2pJ-f 1)B, > 0 et 0 sinon, ce qui est bien conforme à la convention que nous avons adoptée pour la notation X% . L'inégalité Xp/> ^ X 202 JEAN-PIERRE DEMAILLY implique d'autre part (i.i6) i^A^ + M!, uj.) < vB(A,) s'obtient alors en effectuant le produit de (1.15) par (1.17), et en sommant pour tout peNs (la somme est finie). ? Pour des questions de convergence qui interviendront au §2, nous aurons besoin également de connaître une majoration de NR(A,) indépendante du champ magnétique B. Une telle estimation uniforme est fournie par la proposition suivante. Proposition 1.18. - NR(A,) ^ (R.N/À.+ + 1)\ Démonstration. - On majore pour chaque indice j le nombre d'entiers Pj et fj tels que l'inégalité 4it2 ait lieu. Le lemme 1.12 implique 1 ^7 < s, card {pj} < max (pj+1) < min ( --> - yfk^ tandis que (1.16) entraîne cardfo} ^-y/K +-ïr- + 1, 1 0 telle que v<(i+£)É(2p,+i)b, B R2 -1 lorsque \/A < -\-(1-R 2), 1 <; < 5. 4tt 204 JEAN-PIERRE DEMAILLY Démonstration. - On utilise à nouveau le minimax et le fait que les fonctions d'Hermite la variable t = Xj + -^ qui apparaît dans (1.8) décrit en effet un intervalle ~1 /r /rx contenant ~ 2 ' 2 ' °n * d°nC V'j ^ \ OÙ (^«n est la suite des valeurs propres de la forme quadratique ,-co = J[|f+. /-jQ-f.fQ. [/R /r~| - ^y- » ^r- ' égale à 1 r /r /r~i / = I cJb.iy/Bjt), "i«P; la décroissance exponentielle des fonctions $", à l'infini implique pour R assez grand l'inégalité sur ~a~'a~~ ' dont ^a dérivée est majorée par 5/^/R. Pour toute combinaison linéaire Il/Il <1+C :ieXP('£)) IIXi/ll où Cx = Cj^-jB^) > 0. On en déduit par conséquent: q(X*f) < «CO + <«(/) + \f\2Jdt imi2 ^(1 + s)(2^+1)B^IIXr/"2-Ceci donne bien Xp. (. < \. < I 1+p )(2Pv+l)B, D INÉGALITÉS DE MORSE EN (T-COHOMOLOGIE 205 Pour faciliter la tâche du lecteur, nous énonçons maintenant le principe du minimax sous la forme où il nous a servi. Proposition 1.20 (principe du minimax, cf. [14], Vol. IV, p. 76 et 78). - Soit Q une forme quadratique à domaine dense D(Q) dans un espace de Hilbert Jf. On suppose que Q est bornée inférieurement, i.e. Q(f) ^ - C||/||2 si /eD(Q), que D(Q) est complet pour la norme II/IIq = [Q(/) + (C+l)imi2p, et enfin que l'injection (D(Q),|| ||Q) cz_> (jf ,|| ||) est compacte. Alors Q a un spectre discret Xx ^ X2 < ... , et on a les égalités : (a) Xp = min max Q(/), Fc:D(Q)/¤F, ||/|| = 1 où F décrit l'ensemble des sous-espaces de dimension p de D(Q); (b) Xp+1 = max min Q(/), F<=D 0 sont les modules des valeurs propres non nulles de l'endomorphisme antisymétrique associé. L'égalité de définition 1.5 permet de regarder vB(X) comme une fonction du couple (a,À,)eM x R. Nous aurons besoin également de considérer la fonction vB(?i), continue à droite en V, définie par: (2.2) vB(X) = lim vB(X + e). Nous démontrons alors la généralisation suivante du corollaire 1.7. 206 JEAN-PIERRE DEMAILLY Théorème 2.3. - Lorsque k tend vers + oo, le nombre Nftjt(X) de valeurs propres ^ X de Qfiit vérifie l'encadrement*asymptotique l v"(V + X) da < lim inf k 2NQJt(X) < lim sup k' ^Q,k(k) < vB(V + X) dey. !/? La fonction X h-» vB(V + X)da est croissante et continue à gauche; elle n'a donc au plus qu'un ensemble @ dénombrable de points de discontinuité. L'ensemble Q) est d'ailleurs vide si n est impair, car vB(X) est alors continue. De là, on déduit aussitôt le Corollaire 2.4. - On suppose que dQ, est de mesure nulle. Alors uw=r lim k 2Nnt(X) = vB(V + X)do k-> + oo -* d pour tout XeR\^, et la mesure de densité spectrale k 2^r-NQik(^) dX d f converge faiblement sur R vers - vB(V + A) da. Si n est impair, la dX JQ mesure limite est diffuse. D Le lemme suivant montre que les intégrales du théorème 2.3 ont bien un sens. Lemme 2.5. c)On a les inégalités vB(À,) < vB(À,) ^ Xnl2. d)vB(V) (resp. vB(V)) est semi-continue inférieurement (resp. supérieurement) sur M. e)En tout point xe M oiî s(x) < -* on a vB(V)(x) = vB(V)(x) et vb(V), vb(V) sont continues en x. (d) Si n est impair, vB(V) = vB(V) est continue sur M. n_ _ n Démonstration. - (a) On a toujours (X-2 (2/^+1)8,.)2 < ^2 , et le nombre d'entiers p, tels que X - (2/^+1)1*, soit ^ 0 est majoré par INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 207 K - - Comme la quantité numérique figurant dans (1.5) est majorée par 1, Bj l'inégalité (a) s'ensuit. (b, c) Le rang s = s(x) est une fonction semi-continue inférieurement sur M, et les valeurs propres B1? B2, ..., prolongées par B7(x) = 0 pour j > s(x), sont continues sur M. Comme la fonction th> t°+ (resp. t i-> (r + 0)+) est semi-continue inférieurement (resp. supérieurement), la semi-continuité de vB(V) et vB(V) pose un problème uniquement aux points a g M au voisinage desquels s(x) n'est pas localement constant. En un tel point a g M, on a nécessairement s(a) < -> donc vbO0( s(à). Si les entiers pl9 .. .,ps(a) sont fixés, la sommation figurant dans (1.5) peut s'interpréter comme une somme de Riemann d'une intégrale sur Rs<*)-S £ No.,,(X). (b) Soft (Q})1<;^N un recouvrement ouvert de Ù et (v|/j)i^N m système de fonctions \|/j6<^00(Rn) à support dans Q}, telles que Ii|/2 = 1 sur Q. On pose C(v|/) = supQ £ Idv|/,|2. Alors Nq^X E Nfi) A+ic(v|/) Démonstration. - (a) Soit ^ le C-espace vectoriel engendré par la collection de toutes les fonctions propres des formes quadratiques Qq.,*, 1 ^ j < N, correspondant à des valeurs propres < X,. & est de dimension dimJ^= X N~t(X) et pour tout «ef, on a Qo» = I Qn;» < £ MMI2,, = X||u||2. Le principe du minimax montre donc que les valeurs propres de Qft k d'indice ^dim^ sont < X, d'où l'inégalité (a). (b) Pour tout ueWà(Q,E*) il vient £|Dk(x|/,.u)|2 = Zwpp+MjM2 = lD*"l2 + EWM2 J J J car 2S\|/id\|/j = d(2\|/?) = 0. On obtient donc ^Qn» + ^C(i|/)|M|2. Si chaque fonction \|/jueWo(£îj,Ek) est orthogonale aux fonctions INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 209 propres de Qn, k de valeurs propres < X + -C(\|/), on en déduit successivement Qû.fcW > ^IMI2. si M^O. Le principe du minimax 1.20 (b) entraîne alors que Nûjt(A,) est majoré par le nombre d'équations linéaires imposées à m, soit au plus Soit Wx, ..., WN un recouvrement de fi par des ouverts de carte de la variété M. Pour tout e > 0, on peut trouver des ouverts Q, c Q'-relativement compacts dans W,-, 1 < j < N, tels que f)fi = u fi, (disjointe), et Vol (fi) = Z Vol (fi,), g)fi c u fi}, et Vol (fi) < S Vol (0}) + e. La proposition 2.6 ramène alors la preuve du théorème 2.3 au cas des ouverts fi, et fi} (on observera pour cela que la fonction vB(V + A,) est bornée et que la constante C(\|/) est indépendante de fe). En définitive, on peut supposer que M = R", avec une métrique riemannienne g quelconque. Comme M = R" est contractile, le fibre E est alors trivial; soit A un potentiel vecteur de la connexion D et B = dk le champ magnétique correspondant. Nous démontrons d'abord la version locale suivante du théorème 2.3. Proposition 2.9. - Soit ûgR" un point fixé, et Pk une suite de pavés cubiques ouverts tels que Pk9a. On note rk la longueur du côté de Pk, et on suppose que rk < 1, lim k *rk = + oo, lim kÂrk = 0. Alors quand k tend vers + oo, on a _ ni liminf y NPttt(X) > vB(a)(V(a) + X), _ n k 2 limsupy NPfc>fe(À,) < vB(a)(V(a) + X), 210 JEAN-PIERRE DEMAILLY et pour tout compact KcR", NP. *{X) admet la majoration + maxKV+))" uniforme par rapport à a, dès lors que Pk c= K. Démonstration. - On va se ramener au théorème 1.6 en effectuant une homothétie de rapport Jk sur Pk (c'est pourquoi nous avons dû supposer lim k*rk = + oo). Le lemme suivant mesure combien le champ magnétique B dévie du champ constant B(a) sur chaque Pk. Lemme 2.10. - Sur chaque pavé Pk, on peut choisir un potentiel Âkdu champ constant B(a) tel que pour tout xePk on ait |Âk(x)- AtxJKQrJ, où Cx est une constante ^ 0 indépendante de k (et indépendante de a si a décrit un compact K c R"). La régularité C00 de B entraîne en effet une majoration |B(fl)-B(x)| (l-a)(o2-a_1fc2). D 212 JEAN-PIERRE DEMAILLY Le lemme 2.11 ramène la preuve de la proposition 2.9 au cas où la métrique g et le champ magnétique B sont constants : g= £dy], B= t^àyjAdyJ+a. On peut supposer de plus V = 0 en effectuant la translation X i-? X + y (a). La seule difficulté qui subsiste pour appliquer directement le théorème 1.6 vient du fait que les cubes Pk deviennent en général des parallélépipèdes obliques dans les coordonnées (yl9.. .,)>"); les angles entre les différentes arêtes de chaque Pk et les rapports de leurs longueurs restent toutefois encadrés par des constantes > 0. Pour résoudre cette difficulté, il suffit de paver chaque parallélépipède Pfc par des cubes Pka dont les arêtes sont parallèles aux axes des coordonnées (yi, -- .,)>"). Choisissons ee]0,l[. Pour tout oceZ", soient (P*,a), (Pi,a) les cubes ouverts de côtés respectifs erfc, e(l +e)r*, et de centre commun erka. On se bornera à considérer les cubes Pkot contenus dans Pk et les cubes Pk a rencontrant Pk. On a alors ZVol(PM) (2.12) Pk => (J PM (disjointe), et "Vol(p) > 1 - C7e, ZVol(P;,a) (2.13) P^UPi,,, et \ol(pk) <1+C7e, où C7 est une constante indépendante de k (et aussi de a, si a décrit un compact). Le nombre de cubes Pkot, P^a qui figurent dans (2.12) ou (2.13) est majoré par C8e"n. Comme les cubes P^ se recouvrent deux à deux sur une longueur e2rk lorsqu'ils sont contigus, on peut construire une partition de l'unité £i|/£a = 1 sur Pk, avec Supp \|/kQl cz T>'ka et supPkZl#fc,J2 = C(x|/k)^C9(82rfc)-2. a L'hypothèse lim \ô-rk = + oo entraîne bien lim-C(\|/k) = 0, ce qui K permet d'appliquer 2.6 (b). Sur les cubes PkQt, PfcQt nous sommes maintenant dans la situation du théorème 1.6 : après homothétie de rapport yfk, le côté du cube homothétique ->/kPkt0i vaut Rfc = erky/k et tend bien vers + oo par hypothèse. La majoration uniforme de NPfc k(k) résulte de la proposition 1.18 et du fait que toutes nos constantes Cl9 ...,C9 étaient uniformes. La proposition 2.9 est démontrée. ? INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 213 Démonstration du théorème 2.3. - D'après la remarque précédant la proposition 2.9, nous pouvons supposer que M = R" et que Q est un ouvert borné de R". L'idée du raisonnement est de combiner les propositions 2.6 et 2.9 en utilisant un pavage de Q par des cubes de côté rk = k 3 . La mise en ½uvre effective réclame néanmoins un peu de soin à cause des difficultés liées à la non-uniformité éventuelle des lim sup et lim inf. Désignons par Tlka, nka ,aeZ", les cubes ouverts de côtés respectifs _i -i _i _i _ii k 3, k 3(l + k 8) = k 3 + fc 24 et de centre commun k 3oc. Soit I(fc) (resp. F (k)) l'ensemble des indices aeZ" tels que nka c: Q (resp. Tl'^nù^0). Comme dans le raisonnement de la proposition 2.9, il existe une partition de l'unité Z ^m ~ 1 sur ^' avec Supp\|/fca c ITk>a et ael'(fc) C(^) = sup0 S |«%,J2 < C10*#, a e I'(fc) d'où lim-C(\|/k) = 0. On pose ak= \j nM, ak= U n;,a a e I(fc) a e I'(fc) et on considère pour tout X e R fixé, les fonctions sur R" définies par k~k ^à,N,"--'(x)\ww1n"'- où 1nfca désigne la fonction caractéristique de IIk>a. La proposition 2.6 implique l'encadrement (2.14) f fk do < k"fNa,(?i) < f fk do. Jr- Jr- Soit xgR" un point fixé n'appartenant pas à l'ensemble négligeable z= U diifc,a. *eN,oteZ" 214 JEAN-PIERRE DEMAILLY Il existe alors une suite d'indices a(fe) e Zn unique telle que x e ïlkMk) . La proposition 2.9 appliquée à la suite des cubes Pk = TlkMk) (resp. Fk = nkMk)) avec Vol(Pk) ~ VoIP* montre que les suites ponctuelles sont telles que fliminf/»(x) ^ v?x)(V(x) + X)10(x) jlimsup/i(x) < vB(x)(V(x) + X)1a(x) (2-15) ,"_....,,.., ""..,. ,.« ,..) La majoration uniforme de la proposition 2.9 entraîne d'autre part l'existence de constantes Cn, Çu indépendantes de fc, x et X, telles que /*(*) ,er(a)) soit une base propre pour V(a). Écrivons u sous la forme r u = £ u j ej où Uj est une section de Ek. Pour tout 8 > 0, il existe un voisinage Wg c W de a sur lequel £ ÇVj(a)-e)\uj\2 < < £ (V/a) + e)|Mj|2. j=i j=i On a d'autre part r Vku = £ Dku, (g) e,. + Uj ® Ve,-, j=i et le terme Uj (g) Ve,- peut être absorbé dans Sm (ce qui nous ramène en fait au cas où la connexion V est plate). L'encadrement (l-fe"^)|VkM|2 + (l-kh\Su\2 < |Vkw + Su|2 ^(l+fc"2)|VkM|2 + (l+fci)|Sw|2 montre que le terme Su ne modifie Qn k que par un facteur multiplicatif 1 ± e et par un facteur additif ± 6||w||2. Pour tout e > 0, Il existe donc un voisinage We de a et un entier /c0(e) tels que (l-e)Qn» - s|M|2 ^ Qa*(") < (l+e)Qn» + e||u||2 dès que fe ^ fc0(e) et Q c W£, où QQk désigne la forme quadratique -Wj(a)\uj\2 )do. fc10^1 Qn» = t Comme QQ k est une somme directe de r formes quadratiques, le spectre de Qn k est la réunion (comptée avec multiplicités) des spectres de chacun des termes de la somme. Le théorème 2.16 s'ensuit. ? 216 JEAN-PIERRE DEMAILLY 3. Identité de Bochner-Kodaira-Nakano en géométrie hermitienne. L'objet des paragraphes qui suivent est de tirer les conséquences du théorème de répartition spectrale 2.16 pour l'étude de la d"-cohomologie des fibres vectoriels holomorphes hermitiens. Dans ce but, nous aurons besoin de relier le laplacien antiholomorphe À" à l'opérateur de Schrôdinger d'une connexion réelle adéquate. Ceci se fait au moyen d'une formule particulière de type Weitzenbôck, connue en géométrie complexe sous le nom d'identité de Bochner-Kodaira-Nakano. Soit X une variété analytique complexe compacte de dimension n et F un fibre vectoriel holomorphe hermitien de rang r au-dessus de X. On sait qu'il existe une unique connexion hermitienne D = D' + D" sur F dont la composante D" de type (0,1) coïncide avec l'opérateur d du fibre (une telle connexion est dite holomorphe). Soit c(F) = D2 = D'D" + D'D' la forme de courbure de F. Munissons X d'une métrique hermitienne arbitraire co de type (1,1) et de classe #°°. L'espace ^^(X,F) des sections de classe Ve0 du fibre AP'«T*X ® F se trouve alors muni d'une structure préhilbertienne naturelle. On note 5 = 5' + 5" l'adjoint formel de D considéré comme opérateur différentiel sur <^(X,F), et A l'adjoint de l'opérateur L : u h-> cû A u. Nous utiliserons l'identité de Bochner-Kodaira-Nakano sous la forme générale démontrée dans [6], bien qu'on puisse en fait se contenter, comme le fait Y. T. Siu [16], [17], de la formule moins précise donnée par P. Griffiths. Si A, B sont des opérateurs différentiels sur # ^(X,F), on définit leur anti-commutateur [A,B] par la formule [A,B] = AB - (-l)ûbBA où a, b sont les degrés respectifs de A et B. Les opérateurs de Laplace-Beltrami A' et A" sont alors donnés classiquement par A' = [D',5'] = D' ô' + Ô'D', A" = [D", ô"]. A la forme de torsion d'(ù, nous associons l'opérateur de multiplication extérieure w h-Woo A u sur #®(X,F), de type (2,1), noté simplement d'(ù, et l'opérateur t de type (1,0) défini par i = [A,d'co]. Nous posons enfin d; = ^ + t, ô; = (d;)* = ô' + t*, a; = [d;,ô;j. INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 217 On a alors l'identité suivante, pour une démonstration de laquelle le lecteur se reportera à [6]. Proposition 3.1. - A" = Ai + [ic(F),A] + Tm où Tw est l'opérateur d'ordre 0 et de type (0,0) défini par T» = rA,rA,^^Jl-[^co,(d'a))*]. D'après la théorie de Hodge-De Rham, le groupe de cohomologie H*(X,F) s'identifie à l'espace des (0, Jx Jx 1 = I |d;M|2 + |s;M|2 + <[*c(F),a]u,m> + ,w>, où les intégrales sont calculées relativement à l'élément de volume co" do = -r. En particulier, si u est de bidegré (09q), on a b'xu = 0 par n ! raison de bidegré, d'où (3.3) f = f |D;M|2 + <[ic(F),A]u,u> + <ï"ii,u>. Jx Jx On peut également considérer u comme une (n,g)-forme à valeurs dans le fibre F = F (g) ATX; on notera D = £)' + B" la connexion hermitienne holomorphe de F et 5 l'image canonique de u dans ^^(X,F). Lemme 3.4. - On a des diagrammes commutatifs ^o,,(F) «£<*) -^.»m+i(F). *.V*) - = f (H'ufo Jx Jx = [lW + <[*c(F),A]w,u> + ,u>. Nous allons maintenant transformer légèrement l'écriture de (3.3) et (3.5). La connexion hermitienne holomorphe du fibre AT*X induit sur le fibre conjugué A°'T*X une connexion dont la composante de type (1,0) coïncide avec l'opérateur d'. On en déduit alors une connexion hermitienne naturelle V sur le fibre produit tensoriel A0,T*X ® F (on observera que ce fibre vectoriel nest pas holomorphe en général si q / 0). Soient V et V" les composantes de V de type (1,0) et (0,1). Proposition 3.6. - On a V = D' : #00(A°'T*X®F) -+ #£0(A°'T*X®F), et il existe un diagramme commutatif #Û0(A°'T*X®F) - #£1(A°'T*X®F) MF »2,(F) -^ T*X®F) x (Ap2'«2T*X®F) - A'i+«*«'+*T*X INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 219 l'accouplement sesquilineaire canonique induit par la métrique sur les fibres de F, et * : A?T*X ® F -> A"-¤-"_lT*X ® F l'opérateur de Hodge-De Rham-Poincaré défini par (v\*w) = de, v9 w e AP'«T*X ® F. On en déduit par composition une isométrie ¥0 : A°'1T*X ® F - AMT*X ®F -^ A"-1«°T*X (g) F "2" et la flèche *F s'obtient par définition en tensorisant - i~nxV0 par A0, A°'1T*X ® A°'«T*X ® F où S' = x = [A,d'co], et où S" est le relevé par les isométries ~ et *F du morphisme x* = [(<*'©)*,L] : AW'*T*X ® F - An"1^T*X ® F. D'après la proposition 3.6, on a Id;W| = iv'ii+s'iii, |8$| = |V"u+s"u|. Si on pose S = S' © S", les identités (3.3) et (3.5) impliquent par addition (3.7) 2 = |Vu + Su|2 + <[fc(F),A]n,i*> Jx Jx Jx + <[fc(P),A]S,S> + ,u> + pour tout ue#£g(X,F). 220 JEAN-PIERRE DEMAILLY Soit maintenant E un fibre holomorphe hermitien de rang 1 au-dessus de X. Pour tout entier k, on note Dk et Vk les connexions hermitiennes naturelles sur les fibres Ffc = Ek ® F et A0,qT*X ® Fk, et on pose Ak' = [Dk',5k']. La courbure de Fk (resp. Fk) est donnée par (3.8) c(Fk) = c(F) + fec(E) ® IdF, (resp. c(Pk) = c(F) + fec(E) ® IdF). Rappelons, bien que ce soit inutile pour la suite, que c(P) = c(F) + c(ATX) ® IdF = c(F) + Ricci(û)) ® IdF. Nous aurons donc besoin d'évaluer les termes [ic(E),A]. Pour tout point xeX, soient a^x), a2(x), . ..,a"(x) les valeurs propres de ic(E)(x) relativement à la métrique hermitienne ½ sur X. Il existe donc un système de coordonnées locales (z1?...,2n) centré en x tel que \dz1 " ' dzj soit une base orthonormée de TXX, et tel que i n <°(x) = ôl dz J A d ~zJ> i n ic(E)(x) = - X VjWdZj A dzy. Soit (el5...,er) un repère orthonormé de la fibre E*®FX. Pour v e AP**T*X ® Fk, on peut écrire v = I vw dzY A dz, ® e¤, M2 = 2'+* Z |t?u/|2 . |I|=P,|J| = <ï/ u/ Un calcul élémentaire, explicité par exemple dans [6], donne la formule (3.9) ([ic(E)9A]v,v> = 2*+« iL + cxj- £ o^li^l2 avec ^ = X a,. Soit u e A°'«T*X ® Fk. Posons J/ D'après (3.9), il vient <[ic(E),A]u,u> = 2^-aCJ|uJ/|2, <[ic(E),A]u,S> = 2^aJ|uJ/|2. j/ INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 221 Soit V l'endomorphisme hermitien de A°**T*X (g) Fk défini par (3.10) = - <[Jc(E),A]«,«> - <[ic(E),A]ù,ù> = 2«X(aCj-aj)l«i/l2- Les valeurs propres de V sont donc les coefficients oty - otj, comptés avec multiplicité r = rang (F). Soit enfin 0 l'endomorphisme hermitien défini par (3.11) {@u,u} = <[ic(F),A]",u> + <[ic(F),A]a,u> + (J^u) + = f \ |Vku + Su|2 - + \ <0t/,u> K Jx JxK K où les opérateurs S, V, 0 n'agissent que sur la composante A°'4T*X (g) F de A°'4T*X ® Fk. On va donc pouvoir utiliser le théorème 2.16 pour déterminer la distribution spectrale asymptotique de A*, car le terme - <0m,m> tend vers 0 en norme. k Soit hl(k) le nombre de valeurs propres ^ kX de A£ opérant sur ^Qq(Ek®F). Le champ magnétique B est ici donné par n (3.13)B = - ic(E) = - Yj aj^xj A dyj9 z} = x} + iy}. Compte-tenu que dimRX = 2n, le théorème 2.16 se transcrit comme suit. Théorème 3.14. - Il existe un ensemble dénombrable 3) tel que pour tout q = 0, 1, ..., n et tout X ¤ R\^ on ait h«(k) = rkn £ f vB(2\ + aCJ-ocj) JTI(X) induisent en cohomologie des isomorphismes inverses l'un de l'autre. Démonstration. - Le fait que JfJ(X,) soit un sous-complexe de #£(X,E*®F) provient de la propriété de commutation des opérateurs D£ et AjJ. Soit maintenant Jx>o A INÉGALITÉS DE MORSE EN d"-COHOMOLOGIE 223 l'opérateur de Green du laplacien A£. Comme [Px,A£] = 0, on a les relations [G,A^] = 0 et A£G + P0 = Id. De plus, [Px,Dfc] = [G,Dfc] = 0. On en déduit donc Id - P, = A;'G(Id-Px) + P0(Id-PJ = A^G(Id-Px) = D2(Si'G(Id-P,)) + (8JG(Id-PJ)DS;, de sorte que l'opérateur 8i'G(Id - Px) est une homotopie entre Id et Px. D On utilise maintenant un lemme classique simple d'algèbre homologique. Lemme 4.2. - Soit 0 -? C° - C1 - - - - -? C" -» 0 un complexe d'espaces vectoriels de dimensions finies c°, c1, ..., cn sur un corps K. Soit hq - dimKH*(C*). Alors, on a les inégalités suivantes: h)Inégalités de Morse : hq < cq, 0 ^ q ^ n. i)Égalité des caractéristiques d'Euler-Poincaré x(H*(C*)) = x(C*) : h° - h1 + - - - + (-l)nhn = c° - c1 + - - - + (-l)V. c) Inégalités de Morse fortes : pour tout q9 0 ^ q < n, *-- fc*"1 +--..+ (-1)^° <<* - c4"1 + --- + (-1)V\ Démonstration. - Si Zq = Ker dq et B« = Im^_1 ont pour dimensions z* et &*, l'égalité (b) résulte en effet des formules cq = zq + bq+\ hq = zq-bq, tandis que (c) résulte de (b) appliqué au complexe 0 _? C° -+ C1 -? -? C4*"1 -> Zq -? 0. D Si F est un fibre vectoriel holomorphe sur X, on définit sa caractéristique d'Euler-Poincaré par X(X,F)= £ (-l)«dimH«(X,F). , = o 224 JEAN-PIERRE DEMAILLY En combinant la proposition 4.1 et le lemme 4.2, nous obtenons pour tout X ^ 0 et tout q, 0 ^ q < n, l'inégalité Af _fc|-i+... +(-i)*fcg 0. Il s'ensuit : Corollaire 4.3. - On a les inégalités asymptotiques j)ht < W + o(kn) k)x(X,E*®F) = kTÇL0-!1 + ---+(- 1)T> + o(fcw), (c) fcf-14"x + - -- +?(- î^fc? ^fe^-l^' + '-'+C-l^-f^Cfe"), où F désigne l'intégrale de courbure F = r X vB(aCJ-aj)da. UI=« Jx D'après (3.13), les modules des valeurs propres du champ magnétique B sont les lot/1, 1 ^; < n. Pour tout point xeX, rangeons ces valeurs propres en sorte que laU-^ |a2| > > |aj > 0 = |as+1| = ... = |aj, s = s(x). La formule (1.5) donne 2s-2n7c-n B(aCJ-aj)= 5+ [^...aj £ {atJ-aJ-5:(2pj+l)|aj|}r avec la notation {X}°+ = 0 si X < 0 et {A,} + - 1 si X ^ 0. Comme la quantité 0 pour 7 e [J. Ceci entraîne que la forme ic(E) est non dégénérée d'indice q. Pour xeX(q) (cf. notations de l'introduction) et |J| = q, on a donc vB(aCj-aj) = (2Tu)_n|a1.. .aJ > 0 si J est le multi-indice J(x) = {/;a/x)<0} et vB( r-\ (^-c(E)Y - o(kn). n! Jx«i)\2^ / Plus généralement, l'addition des inégalités 4.3 (c) pour les indices q + 1 et q - 2 entraîne K+1 ~ hqk + hr1 ^ kn{\q+1-lq^lq-1) + o(fc"), d'où la minoration (4.5) dimHnX,Ek®F)^r^- £ (-l)«f ^c(E)Y-o(few). 5. Caractérisation des variétés de Mofëezon. Soit X une variété C-analytique compacte connexe de dimension n. On appelle dimension algébrique de X, notée a(X), le degré de transcendance sur C du corps K(X) des fonctions méromorphes sur X. D'après un théorème bien connu de Siegel [15], la dimension algébrique de X vérifie toujours l'inégalité 0 < a(X) < n. Lorsque a(X) = n, on dit que X est un espace de Moi§ezon. Comme on va le voir, la dimension algébrique de X impose asymptotiquement de fortes contraintes sur la dimension des espaces de sections d'un fibre vectoriel holomorphe. Théorème 5.1. - Soit a la dimension algébrique de X, F un fibre vectoriel holomorphe de rang r et E un fibre linéaire sur X. Alors, il existe 226 JEAN-PIERRE DEMAILLY une constante CE ^ 0 ne dépendant que de E telle que dimH°(X,E*®F) < CErk° + o(k°). Démonstration. - Nous reprenons pour l'essentiel les arguments de Y. T. Siu [16]. Soit {W,} un recouvrement de X par des ouverts de coordonnées W, c Cn, et B, = B(aj9Rj)9 1 <; < m, une famille de boules relativement compactes dans les ouverts W,, telles que les boules concentriques B} = Bl 0,-,-Rj 1 recouvrent X. Munissons E,F de métriques hermitiennes, et soit exp( -(p,) le poids représentant la métrique de E dans une trivialisation de E au voisinage de Bj. Soit alors seH°(X,E*®F) une section holomorphe qui s'annule à l'ordre p en un point Xj g B}. Les inclusions et le lemme de Schwarz appliqué aux deux boules intermédiaires entraînent l'inégalité (5.2) suPbj.|s| < exp (Afc + CF)3"P supB.|s|, où A = max diam cpj(Bj) ne dépend que de E, et où CF est une constante ^ 0 qui dépend de la métrique de F. Soit p < r = rang (F) le maximum pour x e X de la dimension du sous-espace de la fibre Fx engendré par les vecteurs s(x) lorsque s décrit (J H°(X,E*®F). Si p = 0, alors H°(X,E*®F) = 0 pour tout k. fceN Distinguons maintenant deux cas suivant que p = 1 ou p > 1. (a) Supposons p = 1. Soit hk = dimH°(X,E* 0. Sous l'hypothèse p = 1, les sections globales de E* ® F définissent une application holomorphe a, ce qui est absurde. Choisissons pour tout j = 1, ..., m un point x, g B}\Zfc tel que Ok soit de rang maximum = à en xj9 et soit s0 e H°(X,Ek®F) une section qui ne s'annule en aucun point Xj. Pour tout seH°(X,Ek®F), le quotient s/s0 est bien défini en tant que fonction méromorphe sur X, et de plus s/s0 est une fonction holomorphe au voisinage de x7-, constante le long des fibres de Ok. Comme Q>k est une subimmersion au voisinage de chaque point xJ5 on peut choisir une sous- variété M7- de dimension d passant par Xj et transverse à la fibre Ok~ * (Ok(xJ)). La section s s'annulera à l'ordre p en chaque point Xj, 1 ^ j < m, si et seulement si les dérivées partielles d'ordre < p de s/s0 le long de Mj s'annulent en x7. Ceci correspond au total à l'annulation de fp + d-l\ dérivées. Si nous choisissons p = [Afc + CF] + 1, alors l'inégalité (5.2) entraîne supxM < (|j supx|s|, d'où s = 0. Comme d < a, nous obtenons par conséquent dimH°(X,Ek®F) ^ mlP + a~l\ < CEfea + oQf) avec CE = mAa/a !. (b) Supposons p > 1. Il existe alors des sections st e H°(X,E*f®F) 9 l ^ t < p, et un point x0eX tels que les vecteurs s1(x0% ..., sp(x0) soient linéairement indépendants. Par construction, pour tout k e N et toute section seH°(X,Ek(g)F), la droite C.s(x) est contenue dans le sous-espace engendré par (s^x),.. .,sp(x)), sauf peut-être au-dessus du sous-ensemble analytique {x e X;s1 A ... Asp(x)} = 0. On a donc un morphisme injectif H°(X,E*®F) -? © H°(X,Efc+/c'®ApF) où kf=(k1+- -l-fcp) - kt9 dont la composante d'indice t est donnée par s -> sx A - - - A st A - - - A sp A s. L'image de H°(X,Ek®F) sur chaque composante est formée de sections colinéaires en presque tout point 228 JEAN-PIERRE DEMAILLY à Sj A --- A sp. On se retrouve donc dans une situation analogue à celle du (a), où F est remplacé par E*'(g) APF; par suite: dim H°(X,E*®F) ^ CEpk° + o(k°), p < r. ? Choisissons en particulier pour F le fibre trivial X x C. En comparant les théorèmes 4.4 et 5.1, nous obtenons la caractérisation géométrique suivante des variétés de MoiSezon. Théorème 5.2. - Pour qu'une variété C-analytique compacte connexe X de dimension n soit de Moïsezon, il suffit qu'il existe un fibre en droites holomorphe hermitien E au-dessus de X tel que O'c(E))" > 0. ? Jx«i) Ce théorème entraîne à son tour le théorème 0.8 puisque 0.8 (c) => 0.8 (b) => 0.8 (a). On améliore ainsi les résultats de Y. T. Siu [17] [18], et on retrouve donc en particulier une nouvelle démonstration de la conjecture de Grauert-Riemenschneider [10]. BIBLIOGRAPHIE [1] M. F. Atiyah and I. M. Singer, The index of elliptic operators III, Ann. of Math., 87 (1978), 546-604. [2] J. Avron, I. Herbst and B. Simon, Schrôdinger operators with magnetic fields I, Duke Math. J., 45 (1978), 847-883. [3] Y. Colin de Verdière, Calcul du spectre de certaines nilvariétés compactes de dimension 3, Séminaire de Théorie spectrale et Géométrie, Grenoble-Chambéry, 1983-84 (exposé n°5). [4] Y. Colin de Verdière, Minorations de sommes de valeurs propres et conjecture de Polya, Séminaire de Théorie spectrale et Géométrie, Grenoble-Chambéry, 1984-85 (à paraître). [5] Y. Colin de Verdière, L'asymptotique de Weyl pour les bouteilles magnétiques, Prêpublications n° 33 et 39, Université de Grenoble I. [6] J. P. Demailly, Sur l'identité de Bochner-Kodaira-Nakano en géométrie hermitienne; Séminaire P. Lelong, P. Dolbeault, H. 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