Sur l'enseignement des Math'ematiques et des Sciences au Lyc'ee et `a l'Universit'e: un cri d'alarme Jean-Pierre Demailly Professeur `a l'Universit'e de Grenoble I Membre Correspondant de l'Acad'emie des Sciences Le texte qui suit a pour but de faire 'etat de quelques observations et r'eflexions sur l'enseignement des math'ematiques et des sciences, suite aux 'evolutions d'esastreuses intervenues ces derni`eres ann'ees. Ces r'eflexions me sont propres, mais int`egrent des discussions et des 'echanges de vues avec de nombreux coll`egues, chercheurs et enseignants du sup'erieur comme du secondaire. J'ai pu b'en'eficier par ailleurs d'informations privil'egi'ees gr^ace `a des r'eflexions et discussions men'ees `a l'Acad'emie des Sciences. Les besoins, face au discours politique actuel Contrairement `a des affirmations du Ministre en charge de l'Education Nationale, parues dans quelques grands journaux (France-Soir du 23/11/99) et l^ach'ees sans doute dans l'effervescence de la communication, les math'ematiques ne sont pas une science en voie de "d'evaluation in'eluctable" et elles ne se r'eduisent pas `a la "pratique de calculs" et de "trac'es de courbes" `a l'aide d'instruments de calcul. Ceux qui croient cela ont ou bien une vision tr`es parcellaire et d'eform'ee de ce que sont les math'ematiques, ou ignorent tout du sujet. Les Math'ematiques restent - et resteront pour longtemps - un outil fondamental d'exploration de notre univers physique et intellectuel. Pour ne citer que quelques exemples ayant trait `a la science fondamentale, les th'eories physiques contemporaines, cosmologie, th'eorie des champs, m'ecanique quantique..., utilisent constamment les r'esultats les plus pointus de la g'eom'etrie et de l'analyse; la science de l'information est en partie bas'ee sont des concepts mis `a jour par les progr`es r'ecents de l'arithm'etique et de l'algorithmique. Une part consid'erable de l'industrie de haute technologie repose de m^eme sur des moyens de production et de calcul dont la mise en oeuvre r'eclame des math'ematiques de technicit'e 'elev'ee. Face `a la tendance actuelle qui semble ^etre `a une r'eduction syst'ematique des horaires d'enseignement en math'ematiques et des moyens allou'es `a cette discipline, il y a donc lieu d'exprimer une grande inqui'etude. Car, au del`a des math'ematiques, c'est toute la fili`ere de l'enseignement des sciences qui sera en p'eril. Et cela, `a un moment o`u la comp'etition internationale exacerb'ee r'eclame toujours plus de sp'ecialistes, sur des sujets en constante 'evolution, donc r'eclamant un recul conceptuel important. Dans tous les pays avanc'es, la ma^itrise des savoirs techniques et scientifiques est une pyramide o`u l''equilibre entre les diff'erentes disciplines, la qualit'e globale de l'enseignement, jouent un r^ole primordial. La perte de la ma^itrise dans un secteur donn'e de la science ou de la technologie est souvent irr'eparable dans des d'elais courts, et r'eclame par la suite des efforts d'emesur'es de remise `a niveau. Les propos tenus par le Ministre et rapport'es dans le Monde du 24 novembre 1999 (http://www.lemonde.fr/article/0,2320,31922,00.html) sont objectivement scandaleux: "Il n'y a pas eu de gestion pr'evisionnelle des emplois depuis des ann'ees. Humainement parlant, je ne peux pas mettre z'ero poste de maths aux concours de recrutement. Je ne peux que r'eduire graduellement les postes mis aux concours, par honn^etet'e vis-`a-vis des 'etudiants qui pr'eparent ces concours et ont fait de gros sacrifices pour cela !". Ils montrent `a l''evidence que l'enseignement des Math'ematiques est en p'eril. Il est difficile de savoir si le Ministre a tenu des propos qui refl`etent sa pens'ee propre (soulignant alors un grave manque de compr'ehension du r^ole crucial des math'ematiques dans le d'eveloppement de la Science et de la Technologie), s'il cherche plut^ot - selon une tactique qui semble sienne - `a faire de la provocation pour voir comment le milieu r'eagira, ou enfin s'il se fait l''echo de voix mal inform'ees et mal inspir'ees. Il est h'elas possible que les trois ph'enom`enes soient concomitants. Cela est tr`es grave dans la mesure o`u le Ministre manifeste une tendance persistante `a la prise de d'ecision impulsive, sans consultation des experts. La "d'evaluation in'eluctable" des math'ematiques constitue sans aucun doute une "exception fran_caise": la National Science Foundation am'ericaine, consid'erant que les Math'ematiques constituaient un enjeu strat'egique pour le d'eveloppement de toutes les sciences, vient d'augmenter sensiblement les moyens allou'es `a la recherche fondamentale et appliqu'ee dans cette discipline... Un constat sur l'enseignement `a l'universit'e Il n'est pas exag'er'e de dire que l'Enseignement des Math'ematiques `a l'Universit'e, et plus g'en'eralement des sciences exactes, est dans un 'etat tr`es pr'eoccupant. Cela est confirm'e par beaucoup d'indices et de t'emoignages directs, m^eme si le niveau des "meilleurs" 'etudiants - th'esards, futurs chercheurs, 'el`eves des Grandes 'Ecoles - est rest'e `a peu pr`es inchang'e au fil des ans. Ce qui est principalement en cause, me semble-t-il, c'est la formation des 'etudiants qui se situent dans la moyenne des promotions de Premier et de Second Cycle, et en particulier ceux qui se destinent `a l'Enseignement. L'enseignement math'ematique de DEUG est suppos'e apporter aux 'etudiants les outils conceptuels les plus basiques et affiner les m'ethodes de calcul (alg'ebriques, analytiques, g'eom'etriques) n'ecessaires pour la pratique scientifique au sens large. Or, les bacheliers qui entrent `a l'Universit'e paraissent tr`es mal pr'epar'es `a cette 'epreuve; bien souvent, leur vision des math'ematiques au sortir du Lyc'ee se r'eduit `a la pratique aveugle de techniques st'er'eotyp'ees et une vision "fig'ee" des math'ematiques - comme si jamais ils n'avaient eu l'occasion de se rendre compte que les math'ematiques sont avant tout la science du raisonnement plut^ot qu'une technologie des "recettes de calcul". La structure des DEUG ne fait rien pour arranger la situation. L`a o`u il faudrait que les 'etudiants essaient de se concentrer sur un petit nombre de sujets bien structur'es, on voit fleurir dans beaucoup d'universit'es une organisation des enseignements en petits modules 'epars cens'es faciliter l'acquisition des connaissances et la r'eussite aux examens. L'objectif est sans doute atteint pour le deuxi`eme point (gr^ace `a de savants algorithmes de "compensation" et "d'am'elioration" des notes entre les diff'erents modules, 'eventuellement d'une ann'ee sur l'autre) mais c'est une faillite assez marqu'ee en ce qui concerne le premier. Les moyens allou'es `a l'enseignement sont tout simplement insuffisants ou inadapt'es: les cours magistraux en grand amphi (qui sont encore le lot quotidien de la grande majorit'e des 'etudiants) sont, on le sait, tr`es peu profitables `a des 'etudiants dont l'autonomie est encore peu d'evelopp'ee. L'insuffisance des horaires de travaux dirig'es, le manque d'investissement des 'etudiants face `a une mati`ere qui leur parait d'epersonnalis'ee et inaccessible, la pratique insuffisante du travail personnel dans les livres et les documents 'ecrits, sont l`a encore des handicaps r'edhibitoires. Bien s^ur, des moyens mat'eriels et humains consid'erables seraient n'ecessaires pour r'esoudre ces probl`emes. Une plus grande flexibilit'e - permettant aux 'etudiants de s'orienter davantage en fonction de leurs go^uts et de leurs aptitudes - serait tout aussi n'ecessaire, en conjonction avec de meilleures proc'edures d'orientation et un plus grand s'erieux dans les proc'edures d''evaluation. A l'arriv'ee en Second Cycle, les lacunes sont telles que l'objectif d'atteindre le niveau suppos'e des concours de recrutement au CAPES ou `a l'Agr'egation restera la plupart du temps une pure fiction. (Il est de notori'et'e publique que les re_cus en queue de liste aux concours de recrutement le sont sur la base de r'esultats tr`es faibles aux 'epreuves 'ecrites). C'est inqui'etant pour la p'erennit'e `a long terme du syst`eme 'educatif, car il est difficile d'^etre un bon enseignant sans un minimum de recul sur la discipline que l'on enseigne... Sur l'enseignement au Lyc'ee Les objectifs fondamentaux de l'enseignement des math'ematiques au niveau du Lyc'ee nous paraissent ^etre 1) l'apprentissage des bases du raisonnement 2) l'acquisition de quelques techniques fondamentales de calcul (alg'ebrique, analytique) 3) le d'eveloppement de la perception g'eom'etrique 4) la compr'ehension de quelques exemples simples de mod'elisation 5) l'usage raisonn'e des outils de calcul (calculettes, micro-ordinateurs) L'observation de quelques manuels 'edit'es dans les derni`eres ann'ees fait malheureusement appara^itre que la tendance est `a une vision assez descriptive des math'ematiques, o`u le raisonnement et la construction logique ont peu de place. En d'epit d'une pr'esentation soign'ee et haute en couleurs, les r'esultats math'ematiques sont pr'esent'es comme des "catalogues de recettes" qui ne re_coivent presque jamais de justification, m^eme dans les cas o`u de simples raisonnements de bon sens permettraient de les atteindre. De longues suites d'exemples et d'exercices type sont l`a pour illustrer le cours, mais en l'absence de toute d'emarche d'abstraction ou de g'en'eralisation, on voit assez mal comment un fil conducteur pourrait se d'egager. Souvent, la profusion de couleurs, de gadgets et de remarques ou distractions anecdotiques vient masquer l'essentiel. Des observations analogues m'ont 'et'e rapport'ees par des coll`egues au sujet des enseignements de physique au Lyc'ee ("les manuels ne sont plus que des albums-photos"; "je ne songe m^eme plus `a proposer les manuels fran_cais r'ecents de Physique `a nos partenaires des pays en voie de d'eveloppement, ils auraient un effet toxique"). Or c'est dans la capacit'e d'abstraire et de mod'eliser que se situe la pierre angulaire de l'enseignement des math'ematiques. Comme il a 'et'e dit plus haut, les "lacunes" des 'etudiants (du moins, d'une grande majorit'e d''etudiants) lorsqu'ils arrivent `a l'universit'e sont h'elas telles que toute tentative de faire coller ces 'etudiants `a des programmes cens'es correspondre `a leur niveau d''etudes reste souvent vaine ou fictive. Cela est particuli`erement pr'eoccupant pour les 'etudiants qui s'orientent ensuite vers le professorat. Il faut compter en effet avec un temps de maturation des notions qui se chiffre en ann'ees pour des notions fondamentales telles que la continuit'e, la g'eom'etrie vectorielle, les transformations, la lin'earit'e, l'appr'ehension de la notion de probabilit'e... Il faut donc qu'une premi`ere approche de ces notions un peu conceptuelles ait lieu `a des moments qui ne soient pas trop tardifs dans la scolarit'e de l''el`eve. A cel`a doit correspondre n'ecessairement une organisation des 'etudes susceptible de r'epondre aux imp'eratifs de qualit'e de l'enseignement. L'insuffisance de la diversification des fili`eres (notamment de la fili`ere scientifique), la tendance `a la baisse uniforme des horaires de l'enseignement des math'ematiques nous paraissent ^etre des contraintes incompatibles avec un enseignement math'ematique et scientifique de qualit'e. La d'emographie de la population lyc'eenne a certes consid'erablement 'evolu'e depuis une vingtaine d'ann'ees, et il est 'evident que des ajustements importants du syst`eme 'educatif 'etaient n'ecessaires. Or, quelle a 'et'e l''evolution constat'ee? Face `a un public fatalement plus h'et'erog`ene qu'autrefois, le syst`eme 'educatif a r'epondu par une plus *grande uniformisation* (i.e. une plus grande rigidit'e) des fili`eres menant aux 'etudes longues: cr'eation de la Seconde indiff'erenci'ee, unification des fili`eres C, D, E en une unique fili`ere scientifique baptis'ee S, en Premi`ere et Terminale. Il ne faut pas ^etre grand clerc pour voir qu'une telle strat'egie ne pouvait mener qu'`a un nivellement par le bas. Il para^it en effet inconcevable d'imposer le "m^eme menu" `a des 'el`eves qui ont des go^uts, des aptitudes et peut-^etre d'ej`a des vocations diff'erentes. Au contraire, il faudrait valoriser chez chaque 'el`eve ce pour quoi son go^ut commence `a s'affirmer (que ce soit en lettres, en sciences, en art, en sport...), en lui permettant de concentrer ses efforts sur les mati`eres pour lesquelles il se sent une vocation. Le grand tort des anciennes fili`eres C, D, E a 'et'e d'instituer un syst`eme de s'election par les sciences (et, en l'occurrence par les math'ematiques), qui a 'et'e ressenti par beaucoup comme une dictature des math'ematiques sur l'ensemble des autres disciplines - y compris les autres disciplines scientifiques. Le moyen radical trouv'e pour supprimer cette "dictature" a 'et'e de nier les diff'erences individuelles et le jeu de balance possible entre les disciplines. C'est tout simplement inacceptable et cela a conduit en fait `a un syst`eme encore plus in'egalitaire qu'autrefois, o`u seuls les 'etudiants les plus favoris'es et/ou b'en'eficiant d'un soutien appropri'e peuvent tirer leur 'epingle du jeu. Venons-en concr`etement aux grandes tendances, telles qu'elles semblent se dessiner pour l'enseignement des math'ematiques et de l'informatique au Lyc'ee. Ces tendances r'esultent de nombreux facteurs: directives minist'erielles, propositions du CNP (Comit'e National des Programmes), travaux des GTD (Groupes techniques Disciplinaires), et enfin, 'evidemment, interpr'etation de ces diff'erentes orientations par les auteurs de manuels et par le corps enseignant. Il est donc difficile de d'em^eler l'influence et les cons'equences exactes des d'ecisions prises, mais je vais n'eanmoins essayer de me livrer `a une analyse des tendances, dans un contexte de r'eduction continue des horaires consacr'es `a l'enseignement de Math'ematiques depuis plusieurs ann'ees. Sur le Comit'e National des Programmes Le r^ole du Comit'e National des Programmes (CNP) est de r'efl'echir aux grandes orientations des programmes d'enseignement, en amont des travaux des groupes techniques disciplinaires. J'ai peu d''el'ements concernant les d'ebats internes au CNP, si ce n'est des informations rapport'ees par notre coll`egue Michel Brou'e qui repr'esentait les Math'ematiques au sein du CNP depuis 1995. Le Pr'esident du CNP, Luc Ferry, a affirm'e publiquement et `a plusieurs occasions qu'il n'a toujours pas 'et'e convaincu, qu'il n'est pas convaincu, "de la l'egitimit'e de l'enseignement des math'ematiques dans le secondaire" [non pas de la l'egitimit'e d'enseigner telle ou telle part des math'ematiques, ou de les enseigner de telle ou telle fa_con, mais bien de la l'egitimit'e d'enseigner les math'ematiques tout court]. Ce faisant, il a exprim'e une opinion qui est tr`es largement r'epandue dans les "cercles dirigeants" (journalistes, voire politiciens), singuli`erement chez ceux qui n'ont eu aucune formation scientifique. Ceci pose le probl`eme de savoir si le CNP, par sa composition m^eme, 'etait en mesure d''evaluer les grands enjeux concernant l'enseignement des sciences. Il semble en la circonstance que la l'egitimit'e des Math'ematiques ait 'et'e jaug'ee au travers de ses seules applications, et singuli`erement par ses applications aux sciences sociales et humaines. Or les Math'ematiques, qui sont historiquement une des disciplines majeures de l'esprit, se justifient d'ej`a tr`es bien, comme les autres sciences, par leur probl'ematique interne et leur pouvoir d'explication de notre univers. S'il fallait encore chercher des justifications au travers des applications, ce serait 'evidemment plut^ot du c^ot'e des sciences exactes qu'il faudrait regarder... En tout cas, il est difficile de mesurer quelle a 'et'e l'influence du CNP dans les r'ecentes d'ecisions et orientations minist'erielles. Malheureusement pour notre pays et pour l'enseignement des sciences en g'en'eral, on constate une nette r'egression des horaires et une baisse de la perception des math'ematiques comme outil fondamental de r'eflexion au service du citoyen. Sur les programmes actuels et les propositions du GTD Compte tenu de ce qui pr'ec`ede, il est clair que les conditions dans lesquelles s'est effectu'e le travail du GTD (Groupe Technique Disciplinaire) charg'e de l''elaboration des nouveaux programmes 'etaient tr`es difficiles. Le GTD a sans doute essay'e de parer au plus press'e, mais les propositions de programmes qui ressortent des documents disponibles (cf. http://www.cndp.fr/lycee/maths/default.htm ) peuvent susciter bien des interrogations. Evoquons d'abord le contenu. Les programmes actuels, il faut le signaler, n'ont pas 'et'e 'elabor'es par le pr'ed'ecesseur du pr'esent GTD, mais directement par l'inspection g'en'erale suite `a la suppression des groupes techniques disciplinaires par Fran_cois Bayrou. Dans une lettre dat'ee du 21 octobre 1998, Michel Brou'e exprimait l'opinion suivante: "les probl`emes que posent les programmes actuels me semblent 'evidents: Affaiblissement de la formation au raisonnement, au profit d'apprentissages d'automatismes pas toujours significatifs; Incompr'ehension croissante, de la part des 'el`eves, des enjeux et de l'utilit'e de ce qui leur est enseign'e." Or il semble que plut^ot que de s'attaquer au coeur de ces probl`emes, la tendance soit `a essayer de les contourner en augmentant encore la place des aspects technologiques et applicatifs. Il n'est pas condamnable en soi que les math'ematiques s'ouvrent aux applications, c'est m^eme tr`es souhaitable, mais lorsque cette vision est pouss'ee trop loin, il y a un danger certain que la plus grande partie du temps qui devrait ^etre normalement utilis'e `a l'acquisition des concepts de base le soit pour faire tout autre chose que des math'ematiques, surtout dans un contexte o`u les horaires sont en r'eduction. On risque en effet de cultiver le papillonnage sur des sujets relativement "annexes", et qui souvent, pour une compr'ehension r'eelle des ph'enom`enes mis en jeu, r'eclameraient des connaissances math'ematiques exc'edant largement les possibilit'es des 'el`eves. Ce n'est donc pas de math'ematiques dont il s'agira. Ainsi, l'utilisation de tableurs pour analyser des tableaux de chiffres peut se concevoir dans la perspective d'une formation professionnelle courte d'ebouchant sur l''economie ou la comptabilit'e, mais elle n'a gu`ere sa place dans un tronc commun de math'ematique `a vocation g'en'eraliste. Il y a quelques math'ematiques non triviales `a l'oeuvre dans les tableurs, comme le difficile concept de lin'earit'e, mais ces logiciels ne sont pas (et de loin) les plus pertinents pour illustrer les math'ematiques en question. Les informaticiens eux-m^emes, qui sont 'evidemment tr`es concern'es par l'introduction de concepts d'informatique au Lyc'ee, semblent avoir sur la question un avis sans 'equivoque (voir le texte tr`es int'eressant de Bernard Lang, http://pauillac.inria.fr/~lang/ecrits/ailf/ ) Venons-en `a la question cruciale, qui est celle de savoir quel sens les 'el`eves peuvent trouver `a l'enseignement qui leur sera dispens'e. Nous prendrons l'exemple des Statistiques, sur lesquelles les programmes actuels (et leurs successeurs potentiels) semblent insister de fa_con un peu "obsessionnelle" (il est pr'evu un enseignement de statistiques d`es la 6`eme, repris chaque ann'ee jusqu'en Terminale). Je ne sais pas si cela est en rapport avec la mode actuelle de pratiquer des sondages en toute occasion pour un oui ou pour un non. Mais, si j'interpr`ete bien les projets actuels, les statistiques semblent devoir occuper une place assez disproportionn'ee par rapport `a leur importance dans le contexte des math'ematiques en tant que science (`a la diff'erence peut-^etre des math'ematiques "ressenties" par le citoyen `a l''ecoute des grands media). En tout cas, il est pr'evu de donner aux 'el`eves une id'ee de la mod'elisation statistique en la justifiant au travers de la th'eorie des probabilit'es. C'est une bonne chose si ces notions interviennent seulement en fin de Lyc'ee et si le programme en reste `a la compr'ehension des concepts de base autour des probabilit'es. Mais il semblerait qu'il soit pr'evu de parler de densit'es de probabilit'e continues et de la loi normale comme approximation de lois discr`etes portant sur de grands 'echantillons. L`a, il me semble qu'on d'epasse les bornes. En effet, il serait impensable de faire comprendre aux 'el`eves les math'ematiques qui expliquent ces subtils ph'enom`enes de convergence, comme le th'eor`eme central limite, totalement hors de port'ee `a ce niveau (et il faut noter `a ce propos que les programmes encore en vigueur ont gravement sap'e la partie concernant le concept "banal" de limite d'une suite ou d'une fonction, jug'e trop difficile!) Il risque donc de s'agir plut^ot de recettes de calcul du type de ceux qui interviennent dans la pratique des sondages, et qui ne pourront pas ^etre vraiment justifi'es sur un plan math'ematique, ou alors il s'agira d'une approche principalement descriptive. Quoi qu'il en soit, la combinaison d'horaires insuffisants, de manque de diversification des fili`eres, les pressions ambiantes pour introduire de multiples aspects "applicatifs" ou "technologiques", la necessit'e de maintenir simultan'ement un certain niveau th'eorique et de pr'eparer convenablement de futurs enseignants et de futurs scientifiques constitue un cocktail hautement contradictoire. Il ne faudra pas s''etonner des r'esultats (et le GTD ne saurait en ^etre tenu pour responsable, ni critiqu'e pour des arbitrages effectu'es dans des conditions d'efavorables dont il n'a pas la ma^itrise). Organisation pratique des enseignements et TPE L'organisation des enseignements telle qu'elle semble ^etre con_cue pour la prochaine rentr'ee scolaire me para^it aussi comporter des risques de d'erapage importants. Ainsi il est pr'evu d'introduire des heures de Travaux Personnels Encadr'es (TPE), durant lesquelles les 'el`eves devront mettre en pratique leur connaissances th'eoriques. C'est sans doute une tr`es bonne id'ee si les TPE sont faits en relation 'etroite avec le cours fondamental correspondant. Ce serait une occasion fort judicieuse de mettre les 'el`eves face `a des probl`emes ouverts, pour lesquels la solution n'est pas connue d'avance mais r'eclame au contraire une d'emarche "exp'erimentale", un questionnement sur les m'ethodes `a utiliser, une progression pas `a pas et par t^atonnements successifs ('evidemment, le niveau de ces probl`emes doit ^etre en rapport avec celui des 'el`eves, ce n'est pas ici de "probl`emes r'eels" de la recherche contemporaine dont il s'agit...). Malheureusement, les modalit'es pratiques de mise en place des TPE, telles qu'elles sont d'efinies dans les textes officiels, introduisent des contraintes pour le moins 'etranges et `a mon avis n'efastes. D'une part - mais ce n'est sans doute pas le point le plus s'erieux - les TPE sont multi-disciplinaires et la d'elimitation entre les horaires des diff'erentes disciplines n'est pas clairement d'efinie; il risque donc d'y avoir des variations consid'erables d'un 'etablissement `a un autre en fonction des disponibilit'es des enseignants, des emplois du temps des classes, etc. Mais ce qui me para^it nettement plus inqui'etant, c'est la directive suivant laquelle les TPE doivent avoir en quelque sorte une "vocation culturelle", sur des th`emes en constant renouvellement (qui ne sont pas laiss'es `a l'appr'eciation des enseignants et changent chaque ann'ee). Outre la difficult'e pratique d''evaluer de telles activit'es, on risque de nouveau d'aboutir `a un plus grand morcellement des activit'es p'edagogiques, `a la difficult'e de g'erer des publics d''el`eves qui auront re_cu des connaissances h'et'erog`enes, d'eflorant des sujets trait'es dans les ann'ees suivantes et/ou dans d'autres disciplines - et donc non op'erationnels. Il aurait sans doute 'et'e beaucoup plus sage d'introduire les TPE dans le cadre des horaires de chaque discipline, en insistant sur le r^ole fondamental de "l'exp'erimentation personnelle" pour l'acquisition des connaissances, et non pas de r'eduire de nouveau les horaires des disciplines pour introduire d'autres activit'es qui n'ont pas avec celles-ci un rapport clair, direct et soigneusement d'elimit'e. Je suis convaincu que les principales disciplines doivent ^etre avant tout au service d'elles m^emes, et lorsque c'est utile, faire appara^itre les ponts interdisciplinaires qui les servent - pas l'inverse. Ainsi, la meilleure fa_con d'illustrer les math'ematiques est de les mettre en oeuvre dans des situations concr`etes proches de l'environnement quotidien des 'el`eves, mais id'ealis'ees pour faire abstraction des difficult'es inh'erentes `a d'autres probl'ematiques. Pour apprendre l'analyse combinatoire, on peut utiliser avec profit des situations g'eom'etriques qui interviennent dans les puzzles, les jeux, etc... m^eme s'il ne s'agit pas d'objets d''etude "savants" li'es `a d'autres disciplines. De m^eme l'apprentissage de l'analyse et de la g'eom'etrie peut donner lieu `a d'innombrables exercices en liaison avec l'observation de notre environnement. Sur l'enseignement de l'informatique dans le Secondaire Il y a une forte volont'e gouvernementale pour l'introduction de l'informatique `a l''Ecole, au Coll`ege et au Lyc'ee. Cette volont'e est justifi'ee dans son principe -- au moins pour ce qui concerne le Coll`ege et le Lyc'ee. Mais l`a encore, il ne faut pas se tromper de cible ni d'informatique. Il ne semble pas qu'il y ait de menaces tr`es pr'ecises de ce c^ot'e, mais on observe des d'erives 'etranges dans la pratique 'educative, en particulier autour des programmes de math'ematiques. D'autre part, compte tenu des propos irr'efl'echis tenus par le Ministre devant les media, il me semble utile de pr'eciser un certain nombre de points; je voudrais aussi profiter de l'occasion pour parler de la question importante des logiciels libres, qui pourrait (et devrait `a mon sens) avoir des retomb'ees 'educatives consid'erables. Tout d'abord, l'informatique est une science autonome qui a ses propres m'ethodes, son propre cheminement conceptuel. Et cela m^eme si l'informatique est un science qui s'est d'evelopp'ee historiquement en osmose 'etroite avec les math'ematiques. C'est un leurre de croire que l'on assurera une quelconque formation `a l'informatique en int'egrant dans le cours de math'ematiques (ou de physique...) une pratique extensive des instruments de calcul. On ne fera en effet au mieux qu'enseigner l'usage d'une "quincaillerie" au service des math'ematiques ou de la physique -- usage que les 'el`eves acqui`erent par ailleurs assez facilement eux-m^emes sur le tas compte tenu du niveau de diffusion maintenant 'elev'e des outils de calcul. Il me para^it assez vain, pour une formation `a vocation g'en'erale, de passer un temps important `a apprendre l'usage de logiciels "tout pr^ets" pour des besoins techniques pr'ecis (tableurs, traitements de texte, logiciels de pr'esentation de donn'ees, logiciels de cr'eation de sites...) Surtout quand la dur'ee de vie des techniques et des logiciels est `a l''echelle de l'ann'ee ou du petit nombre d'ann'ees. C'eder `a la mode Internet et vouloir faire "surfer" les 'el`eves sans justification p'edagogique serait absurde. Il serait bien plus utile que les 'el`eves acqui`erent, dans des enseignements sp'ecifiques bien cibl'es, quelques concepts fondamentaux et universels de la programmation ou de la structuration des donn'ees (boucles it'eratives, proc'edures de rangement, r'ecursivit'e, concepts s'emantiques...), ind'ependamment des techniques contingentes du moment. Signalons qu'il y a eu des exp'eriences r'eussies -- m^eme `a un niveau 'el'ementaire -- avec des langages bien adapt'es comme le Logo (un peu oubli'e, mais toujours d'actualit'e). Savoir si l'on doit introduire des heures sp'ecifiques d'enseignement informatique "v'eritable" au Lyc'ee est un vaste d'ebat qui m'eriterait une r'eflexion approfondie et auquel je ne veux pas apporter de r'eponse ici -- mon sentiment est qu'il le faudrait, au moins en fin de Lyc'ee et dans le cadre d'une diversification plus grande de la fili`ere scientifique. En direction inverse, remplacer les cours de math'ematiques par des cours d'utilisation de calculettes sous pr'etexte que les calculettes ont maintenant des capacit'es notables de calcul formel et peuvent donc suppl'eer `a la compr'ehension des 'el`eves est totalement absurde. La compr'ehension doit accompagner -- ou mieux encore pr'ec'eder, et l'usage de l'outil de calcul sera l'egitime si la p'enibilit'e des t^aches calculatoires que doit effectuer l''el`eve s'en trouve all'eg'ee, si sa capacit'e `a appr'ehender le champ disciplinaire concern'e s'en trouve accrue. Enseignement de l'informatique et logiciels libres Les efforts effectu'es dans des tentatives d'enseignement de l'informatique ne sont pas r'ecents, et, dans la d'ecennie 'ecoul'ee, un grand nombre d'enseignants tr`es motiv'es ont pass'e un temps consid'erable `a 'elaborer des s'equences d'enseignement et des donn'ees p'edagogiques. Malheureusement, ces efforts ont souvent port'e sur des techniques et des environnements tellement ferm'es que leur travail s'est trouv'e rapidement p'erim'e et perdu (l'un des probl`emes les plus s'erieux 'etant la non p'erennit'e des formats de donn'ees dans les environnements commerciaux les plus r'epandus). Bien s^ur, les outils qui aident `a la compr'ehension des disciplines fondamentales (outils de calcul formel, de g'eom'etrie dynamique, de simulation m'ecanique...) sont les bienvenus et peuvent entrer naturellement dans le cadre du travail disciplinaire. Un souci l'egitime est de veiller `a la durabilit'e des proc'edures et des outils utilis'es. Dans ce cadre, l'usage de logiciels libres serait un atout consid'erable, car l'environnement de travail y est beaucoup plus propice `a l'apprentissage des concepts et des principes g'en'eraux -- de m^eme qu'y sont essentiellement r'esolus les probl`emes de p'erennit'e des donn'ees, et que l'acc`es libre et gratuit `a l'information scientifique devient possible. Tous les besoins essentiels sont largement couverts par les logiciels libres, avec de nombreux outils de programmation (environnements performants pour tous les langages existants), de calcul num'erique (scilab, octave), de calcul formel (pari, drgenius), de g'eom'etrie dynamique (drgeo), de repr'esentations de donn'ees (gnuplot, geg), de m^eme que les logiciels `a vocation plus technologique (tableur Gnumeric, CAO avec QCad...). Malheureusement l'infrastructure et la formation des personnels `a l'usage des logiciels libres est encore tr`es insuffisante. Il faudrait donc ne pas mettre la charrue avant les boeufs, et pr'evoir dans ce domaine des actions tr`es substantielles de formation `a l'intention des personnels enseignants concern'es. Pour beaucoup plus de d'etails sur ces questions, on pourra consulter le site de l'AFUL: http://www.aful.org , http://www.aful.org/education Informations sur les ressources 'educatives libres: http://www-fourier.univ-grenoble-alpes.fr/~demailly/exp_linux/exp.html Sites du CARMI Internet Grenoble: (Liens http) http://www.ac-grenoble.fr/carmi-internet/ge/liens.php (Site FTP) ftp://ftp.ac-grenoble.fr/ge Annexe: propositions concr`etes de programmes de math'ematiques Nous avons voulu donner une forme concr`ete aux id'ees pr'ec'edentes en proposant une architecture de programme pour les deux derni`eres ann'ees du Lyc'ee. Le programme propos'e ci-dessous ne pr'etend pas ^etre mat'eriellement r'ealisable avec les contraintes actuellement en vigueur au niveau des horaires et de la r'epartition des fili`eres. Nous avons simplement voulu d'egager ce qui nous para^it ^etre le "minimum vital" de connaissances indispensable pour des 'etudiants qui souhaitairaient s'engager ensuite dans une fili`ere scientifique o`u les math'ematiques, la physique ou la m'ecanique seront des parties pr'edominantes. Le programme propos'e demanderait sans doute des adaptations importantes pour de futurs 'etudiants dans d'autres sciences comme la biologie, la chimie la g'eologie ou l'informatique. L`a encore, une plus grande souplesse et une plus grande diversification des fili`eres - en particulier en classe Terminale - nous appara^it particuli`erement souhaitable. Il devrait peut ^etre m^eme ^etre envisag'e d'en revenir `a une diversification partielle d`es la classe de Seconde, avec une forte valorisation disciplinaire (et sans exclusive au niveau des disciplines). Propositions pour les programmes de Math'ematiques de fin de Lyc'ee (fili`ere Math/Physique/M'ecanique) Principes de base Il est 'evidemment hors de question au niveau secondaire de mettre en place un enseignement formalis'e et axiomatique, qui pr'etendrait tout d'emontrer `a partir des axiomes de base de la th'eorie des ensembles - l'exp'erience a 'et'e tent'ee il y a 25 ans et elle n'a pas 'et'e concluante! Le point important nous para^it ^etre l'acquisition du *sens sous-jacent* aux principales notions. Or ce sens ne peut se d'egager sans que les hypoth`eses de d'epart soient clairement 'enonc'ees, et dans tous les cas o`u un raisonnement *simple et intuitif* permet d'aboutir `a des r'esultats cl'es, ce raisonnement doit ^etre explicit'e en d'etail - m^eme s'il faut y consacrer du temps. En math'ematiques, le corpus de connaissances actuel montre qu'il est possible de d'ecrire une m^eme "th'eorie" en empruntant des chemins fort diff'erents. Il est 'evident que pour un enseignement destin'e au plus grand nombre, c'est le chemin qui correspond `a la vision *la plus intuitive* et la plus proche du sens commun qui doit ^etre privil'egi'e. Une piste claire est fournie par l'analyse suivante due `a Laurent Schwartz: "Une math'ematique est riche si elle introduit peu de concepts et de structures, et beaucoup de th'eor`emes `a leur sujet [...] Le but des math'ematiques n'est pas de d'emontrer rigoureusement des choses que tout le monde voit; il est de trouver des r'esultats riches, et, pour en ^etre s^ur, de les d'emontrer." L'accumulation de r'esultats anecdotiques ou trop technologiques nous para^it donc contraire `a la n'ecessit'e d'un certain recul conceptuel dans l'enseignement `a vocation g'en'eraliste. L'usage des outils de calculs doit aussi ^etre temp'er'e pour tenir compte de cette n'ecessit'e et de l''evolution de la technique, qui rend obsol`etes les outils mis sur le march'e au bout de quelques ann'ees seulement. Ne plus enseigner l'arithm'etique parce que "les machines savent faire" serait absurde; il en serait de m^eme de ne plus enseigner les concepts sous-jacents `a l'analyse et l''etude des fonctions sous pr'etexte que les calculettes graphiques mettent instantan'ement le graphe et les variations d'une fonction sous les yeux des 'el`eves... Proposition pour le programme de 1`ere Le programme se compose d'une liste de points qui seront trait'es non pas comme des faits isol'es, mais avec le souci de mettre en 'evidence leurs relations mutuelles, et chaque fois que cela est possible, de d'eduire explicitement les cons'equences des r'esultats qui les pr'ec`edent ou les motivent. 1. Logique, combinatoire et probabilit'es a. Langage des ensembles: appartenance, inclusion, intersection, r'eunion, compl'ementaire; exemple des ensembles de nombres (intervalles ouverts, ferm'es, etc...); lien avec les connecteurs logiques "et", "ou", "n'egation", "implication". Ensemble des parties d'un ensemble, d'enombrement de cet ensemble [Ces points seront trait'es en liaison avec la combinatoire et le langage des probabilit'es; on les illustrera par des probl`emes concrets: nombre de fa_con d'asseoir des convives autour d'une table...]. b. Applications, injections, surjections, bijections. Permutations d'un ensemble, factorielles. Arrangements avec r'ep'etitions (formule n^p). Utilisation d'arbres pour aboutir au d'enombrement. c. Ev`enements, probabilit'es, 'equiprobabilit'e. Notion d''ev`enements ind'ependants. Exemples simples [lancers de d'es, tirages de cartes... Si le temps et le mat'eriel le permettent, simulations num'eriques]. 2. Alg`ebre a. Polyn^omes du premier et du second degr'e, r'esolution d''equations et d'in'equations polynomiales. b. Algorithme de division des polyn^omes (sur des exemples de bas degr'e), factorisation des polyn^omes (degr'es 2 ou 3,4 avec racines "'evidentes"). 3. Analyse a. Etude des suites. Suites arithm'etiques et g'eom'etriques, notion de limite d'une suite Nota: On donnera la d'efinition rigoureuse, mais on ne cherchera pas `a travailler sur les epsilon autrement que par des exp'erimentations num'eriques `a l'aide de calculettes, ou dans des cas pour lesquels l'erreur est facil ement calculable de mani`ere explicite. b. G'en'eralit'es sur les fonctions: fonctions monotones, z'eros, extrema, exemples pour lesquels on sait calculer les z'eros ou les extrema "`a la main". c. Notion de limite (`a droite, `a gauche) d'une fonction en un point (m^eme commentaire que pour les suites). Th'eor`emes fondamentaux sur les limites (somme, produit, quotient, gendarmes -- admis). d. Fonctions continues. Exemples de fonctions discontinues (fonction caract'eristique d'un intervalle, partie enti`ere). Th'eor`eme des valeurs interm'ediaires (admis), existence d'extrema sur un segment (admis). d. D'eriv'ee (comme limite du taux d'accroissement), 'equation de la tangente, interpr'etation de la d'eriv'ee comme pente de la tangente. Premiers exemples (polyn^omes) et contre-exemples (fonction racine carr'ee en z'ero). La d'erivabilit'e implique la continuit'e, mais l'inverse est faux. e. Signe de la d'eriv'ee des fonctions monotones. Annulation de la d'eriv'ee en un extremum. Monotonie (admise) des fonctions ayant une d'eriv'ee de signe constant. Application `a l''etude de la variation des fonctions et `a la recherche d'in'egalit'es. Utilisation de calculettes graphiques pour cet usage. 4. G'eom'etrie a. Concept d'espace euclidien de dimension n=1,2,3 Nota: Une fois la d'efinition donn'ee, on se travaillera pour l'essentiel d'abord en dimension 2. On ne cherchera pas `a pr'esenter des "axiomatiques" qui dissocieraient les aspects affines des aspects m'etriques. On cherchera cependant `a adopter une d'emarche un tant soit peu d'eductive, rendue particuli`erement simple dans l'approche sugg'er'ee ici. On introduira syst'ematiquement les concepts `a partir de leur d'efinition intrins`eque plut^ot que par le calcul en coordonn'ees (qui, dans la mesure du possible, ne viendra qu'ult'erieurement). Il pourra ^etre utile de signaler - de fa_con purement descriptive et sur un dessin ou une photo - qu'il existe des g'eom'etries non euclidiennes, par exemple la surface d'un terrain avec une colline centrale o`u il peut y avoir deux chemins diff'erents de longueur minimale entre 2 points situ'es de part et d'autre de la colline. Par d'efinition, un espace euclidien est un ensemble E d''el'ements appel'es points, muni d'une application d:(M,M')--> d(M,M') de Ex E dans les r'eels postifs ou nuls, appel'ee distance, pour lequels la propri'et'e de base suivante est v'erifi'ee: il existe une bijection M --> coord(M)=(x_1,...,x_n) de E dans R^n, appel'ee application coordonn'ees, telle que pour tout couple de points (M,M') de E on ait d(M,M') = racine carr'ee de (x_1-x_1')^2+...+(x_n-x_n')^2. b. (R'evisions) Milieu I d'un bipoint (A,B) (unique point tel que d(A,I)=d(I,B)=1/2 d(A,B), l'unicit'e 'etant justifi'ee plus tard), coordonn'ees du milieu. Parall'elogramme ABCD (d'ef: m^eme milieux des diagonales (A,C) et (B,D)), bipoints 'equipollents, caract'erisation en termes de coordonn'ees. Concept de vecteur, ensemble E des vecteurs associ'e `a l'espace euclidien E, formule de Chasles, addition et produit d'un vecteur par un scalaire (surtout en dimension 2, uniquement rep'erage et calculs de coordonn'ees en dimension 3). c. Segments, droites, demi-droites, vecteurs colin'eaires, d'efinitions intrins`eques et caract'erisations en coordonn'ees. Vecteurs directeurs et 'equations param'etriques d'une droite dans un espace euclidien E de dimension 2. d. Equation cart'esienne d'une droite dans un plan. Intersections de droites et r'esolution des syst`emes lin'eaires 2x2, formules de Cramer. Droites parall`eles; demi-plans, intersection de demi-plans, r'egionnement du plan. e. Notion de base associ'ee `a un espace euclidien de dimension 2 (syst`eme de 2 vecteurs tel que tout vecteur est combinaison lin'eaire unique de ceux-ci). Rep`eres (non n'ecessairement orthonorm'es), coordonn'ees associ'ees. Barycentre d'un syst`eme de points pond'er'es. Application `a la r'esolution de probl`emes 'el'ementaires dans le plan (g'eom'etrie du triangle, 'etude des polygones...), utilisation de logiciels de g'eom'etrie dynamique. f. Produit scalaire. On pourra poser par d'efinition ||vecteur AB|| = d(A,B) et u . v = 1/4 (||u+v||^2 - ||u-v||^2). Expression du produit scalaire en coordonn'ees canoniques, puis dans une base quelconque, en dimension 2. Mise en 'evidence de la bilin'earit'e (sans expliciter ce concept). Cas du plan, interpr'etation analytique de la condition u . v = 0 (si u est un vecteur non nul de coordonn'ees (a,b), alors v est colin'eaire au vecteur de coordonn'ees (b, -a)), notion de vecteurs orthogonaux. Th'eor`eme de Pythagore, lien entre la d'efinition initiale et la formule de la m'ediane. Notion de base et de rep`ere orthonorm'e (et mise en 'evidence de la non unicit'e de l'application coord dans la d'efinition initiale d'un espace euclidien!). g. Cercle, 'equation du cercle. Cercle trigonom'etrique, angle comme longueur d'arc (notion admise...). Fonctions sinus, cosinus, tangente, cotangente, p'eriodicit'e, valeurs remarquables. Formules d'addition des angles (obtenues par changement de base orthonorm'ee), d'eriv'ees des fonctions trigonom'etriques d'eduites de la valeur de la limite lim_{h->0} sin h / h = 1 ce r'esultat pourra par exemple ^etre justifi'e par consid'eration du cercle trigonom'etrique et du rectangle de c^ot'es sin h et 1-cos h contenant l'arc de cercle, la longueur h de celui-ci 'etant minor'ee par s=sin h et major'ee par le demi-p'erim`etre sin h+(1-cos h) = s+1-sqrt(1-s^2) < s+s^2 en sorte que lim h/s = 1). Sens de variation et graphe des fonctions trigonom'etriques. Formule de changement de rep`ere orthonorm'e dans le plan. h. Projections et sym'etries par rapport `a une droite parall`element `a une autre droite. Expression analytique en coordonn'ees. Cas des projections et sym'etries orthogonales. Expression analytique de la distance d'un point `a une droite. Rotations planes. Compos'ees de rotations/sym'etries orthogonales, compos'ees de rotations et de translations, de sym'etries et de translations. Proposition pour le programme de Terminale Le programme se compose d'une liste de points qui seront trait'es non pas comme des faits isol'es, mais avec le souci de mettre en 'evidence leurs relations mutuelles, et chaque fois que cela est possible, de d'eduire explicitement les cons'equences des r'esultats qui les pr'ec`edent ou les motivent. 1. Arithm'etique, combinatoire et probabilit'es a. Raisonnement par r'ecurrence, illustration sur des formules combinatoires simples (somme des n premiers entiers, des n premiers carr'es ou cubes, sommes partielles de la s'erie g'eom'etrique). b. Nombres premiers, existence d'une infinit'e de nombres premiers. Algorithme d'Euclide, ppcm, pgcd, existence (et - facultativement - preuve de l'unicit'e) de la d'ecomposition en facteurs premiers. Preuve de l'irrationnalit'e de la racine carr'e d'un nombre premier p, si p est un nombre premier (on pourra se limiter `a p=2). Congruences, table de Pythagore des "anneaux" Z_n (=Z/nZ, notation qu'on 'evitera cependant d'introduire...) pour des exemples simples de valeurs de n, premiers et non premiers (et bien entendu, il n'est pas question de d'efinir la notion g'en'erale d'anneau). Principe de la preuve par 9 et par 11. [Th`eme possible: dans Z_p, la multiplication par une classe non nulle induit une permutation; v'erification avec calculettes programmables; petit th'eor`eme de Fermat]. c. Combinaisons et arrangements. C_n^p, formule du bin^ome (dans R, puis dans C lorsque les nombres complexes auront 'et'e vus). d. Variables al'eatoires, variance, 'ecart-type (espaces probabilis'es toujours finis!). Tirages r'ep'et'es (avec remise). Loi binomiale. [Th`eme possible: tirages r'ep'et'es sans remise, loi hyperg'eom'etrique, approximation par la loi binomiale, application aux sondages]. e. Utilisation de calculettes et/ou de microordinateurs, et mise en oeuvre d'algorithmes de programmation 'el'ementaires (boucles it'eratives...) illustrant a, b, c, d. 2. Analyse a. Majorants, minorants, borne sup'erieure, borne inf'erieure d'un ensemble de nombres r'eels; cas des intervalles et d'ensembles simples du type {1/n, n entier non nul} - on se contentera d'une approche descriptive de ces notions. Existence de la limite d'une suite croissante major'ee, 'egale au sup des valeurs. D'eveloppement illimit'e d'un nombre r'eel dans une base b, d'eveloppement d'ecimal propre et impropre. Caract'erisation des rationnels par la p'eriodicit'e du d'eveloppement dans une base (b=10). Existence d'une limite `a droite et `a gauche pour les fonctions croissantes. b. D'erivation des fonctions compos'ees. Approfondissement de la technique du calcul des d'eriv'ees et des limites; Th'eor`eme de Rolle pour une fonction d'erivable sur [a,b] (`a partir du th'eor`eme admis en 1`ere sur l'existence des extrema d'une fonction continue); formule des accroissements finis (prouv'ee en consid'erant g(x)=f(x)-(x-a)(f(b)-f(a))/(b-a). Justification du fait que la postivit'e de la d'eriv'ee entra^ine la croissance; utilisation pour l'obtention d'in'egalit'es telles que sin x 1/x. Fonction exponentielle. Fonctions x^y, cas particulier de la fonction racine n-i`eme. Comportement `a l'infini, d'erivation des fonctions logarithmes, exponentielles et puissances. Int'egrales mettant en oeuvre de telles fonctions (pas d'int'egration par parties...). [Th`eme: r'esolution de l''equation diff'erentielle y'=ay - preuve en consid'erant la fonction u(x)=e^{-ax}y(x)); applications: pression barom'etrique, d'ecroissance radioactive...]. 3. Alg`ebre et g'eom'etrie a. Nombres complexes, d'efinis comme couples de nombres r'eels. Notation a+ib. Conjugu'e d'un nombre complexe. Module et argument. Structure de plan euclidien. R'esolution de l''equation du second degr'e dans C. Formule de Moivre, racines n-i`emes de l'unit'e [Th`emes possibles: 'etude du pentagone r'egulier, Suite d'efinie par une relation de r'ecurrence de la forme u_n=au_{n-1}+bu_{n-2} dans C, utilisation de l''equation caract'eristique et de la lin'earit'e]. Similitudes directes et transformations z --> az+b. b. D'ependance et ind'ependance lin'eaire de vecteurs en dimension 3. Notions de base et de rep`eres (non n'ecessairement orthonorm'es) d'un espace de dimension 3, en liaison avec la r'esolution des syst`emes d''equations de 3 'equations `a 3 inconnues (m'ethode pragmatique par combinaisons lin'eaires). Equations de plans, points coplanaires. Produit scalaire en dimension 3, angle non orient'e de vecteurs, plan orthogonal `a une droite, distance d'un point `a un plan. [Th`emes: produit vectoriel, proc'ed'e d'orthogonalisation de Schmidt pour un syst`eme de 2 ou 3 vecteurs lin'eairement ind'ependants; programmation et visualisation de l'algorithme; un plan est en bijection avec R^2 en sorte que la distance y induit une structure de "sous-espace euclidien"]. Equations cart'esiennes et param'etriques d'un plan dans l'espace de dimension 3, intersections de plans et syst`emes lin'eaires de 2 ou 3 'equations `a 3 inconnues. Barycentres en dimension 3 [Th`eme: illustrations g'eom'etriques, par exemple, 'etude du t'etra`edre]. c. Approfondissement de l''etude des transformations affines dans le plan et dans l'espace: projections et sym'etries sur un plan parall`element `a une droite, calcul en coordonn'ees, cas de projections et de sym'etries orthogonales. Rotation autour d'un axe, compos'ee de deux sym'etries affines orthogonales par rapport `a des plans. Notions d'application affine f: E--> E et d'application lin'eaire phi: E fl`eche --> E fl`eche: On dit que f est affine (resp. que phi est lin'eaire) si en coordonn'ees l'application s''ecrit Y=AX+B (resp. Y=AX). On a vecteur f(M)f(N) = phi(vecteur MN) si phi est l'application lin'eaire "associ'ee" `a f, et phi satisfait la propri'et'e de lin'earit'e fondamentale phi(lambda_1v_1+lambda_2v_2)=lambda_1 varphi(v_1)+lambda_2 varphi(v_2). [Th`eme: reconnaissance d'une projection ou d'une sym'etrie affine par rapport `a un plan parall`element `a une droite `a partir de l''etude des points invariants par f, des vecteurs annul'es ou transform'es en leurs oppos'es par phi.] Nota: ce texte, dans ses diff'erentes versions, a 'et'e 'elabor'e uniquement `a l'aide de logiciels libres (emacs, amaya, netscape, TeX), sous un environnement GNU/Linux.